Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’est est pas moins vrai que les travaux de la commission financière, tels qu’ils ont été communiqués aux ministres de sa majesté hellénique et aux chambres anglaises dans les parliamentary papers, sont très curieux et très concluans, qu’ils font pénétrer dans les plus secrets arcanes de l’administration du pays, et qu’ils mettent en relief ses imperfections et ses misères.

L’examen que se proposait la commission eût été beaucoup plus difficile et surtout plus délicat, si les mutuelles obligations du souverain et des sujets n’étaient pas très nettement définies en Grèce par une charte constitutionnelle et les lois organiques qui en sont les corollaires. Rien de plus sagement libéral que la charte octroyée par le roi Othon en 1844. La Grèce l’a copiée sur les grands modèles. Elle consacre l’égalité des citoyens et celle des impôts, l’inviolabilité du roi et la responsabilité des ministres, la liberté de la presse et de la tribune, l’inamovibilité des juges. Elle interdit le cumul des fonctions salariées et l’expropriation, si ce n’est pour cause d’utilité publique; elle veut que la puissance législative soit exercée collectivement par le roi, les députés et le sénat, que les traités et conventions signés par le roi ne soient pas exécutables sans le consentement des deux chambres, que leur intervention soit nécessaire pour la suspension des lois, que les impôts soient consentis par les députés et les sénateurs avant d’être sanctionnés par le roi, que le corps législatif vote chaque année le budget de l’année suivante, et approuve par une loi les comptes du précédent exercice. Elle supprime le conseil d’état, attribue l’initiative des lois à la royauté et aux chambres, et confie le contentieux administratif aux tribunaux ordinaires, ce qui est une précieuse garantie pour les administrés. Elle impose au gouvernement l’obligation de résoudre sans retard les graves questions qui préoccupaient alors les esprits les plus soucieux du bien public, de pourvoir par de bonnes lois à l’entretien du clergé, à la liquidation et à l’amortissement des emprunts nationaux, à l’amélioration du système des impôts, à l’éducation des fonctionnaires administratifs, à l’achèvement des codes[1], à l’encouragement de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, enfin de régler par des dispositions pratiques la destination et le partage des terres nationales.

Quels progrès le gouvernement du roi Othon a-t-il réalisés depuis dix-huit ans? Avait-il consciencieusement accepté, a-t-il consciencieusement rempli la mission que lui ont imposée les circon-

  1. La législation civile de la Grèce était réglée par le manuel d’Harménopule, jurisconsulte du bas-empire, qui vivait au XIVe siècle, et qui dans ses ouvrages a résumé les Basiliques. Elle reposait donc tout entière sur les principes du droit romain. On l’a déjà remplacée en partie par plusieurs de nos lois françaises, et on s’occupe activement d’en achever la transformation.