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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/366

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d’une instruction remarquable et d’un vrai mérite littéraire[1]. L’un et l’autre avaient voulu diriger eux-mêmes les études de leur fils ; mais la déplorable exagération des maximes qui ont cours parmi la jeunesse athénienne avait exalté son imagination et perverti son jugement au point de lui faire envisager comme une belle action le crime qu’il voulait commettre. Lorsqu’il avait été fouillé au moment de son arrestation, on avait trouvé dans ses vêtemens un papier écrit de sa main et intitulé : « Mon apologie. » Il y exposait sans emphase, dans un style net et froid, que son amour et son dévouement pour la Grèce avaient armé son bras contre la tyrannie, qu’il croyait remplir en la frappant un devoir sacré, que d’ailleurs il n’aurait point dirigé ses coups contre une femme, si, dans sa conviction, celles qui osent encourir la responsabilité royale n’abdiquaient point par là même les faiblesses et les privilèges de leur sexe. Interrogé par le conseil des ministres, il commenta avec beaucoup de calme et de simplicité les raisonnemens de son apologie ; puis il affirma sous serment qu’il n’avait ni remords ni complices. Évidemment il se croyait de bonne foi martyr de son patriotique héroïsme.

La considération dont jouissait sa famille, la commisération profonde que l’on ressentait pour son vieux père, son âge, sa douceur, avant tout sans doute sa haine fanatique contre les prétendus tyrans de son pays, inspiraient en sa faveur à la plus grande partie de la population d’Athènes un sentiment qui se rapprochait plutôt de l’intérêt que de la pitié. Ses camarades avaient juré qu’ils ne reculeraient pas au besoin devant le meurtre pour sauver ses jours, s’ils étaient menacés. Il avait attendri ses geôliers. Une nuit l’un d’eux le fit sortir de sa cellule et l’introduisit dans sa chambre, où il le laissa en conférence avec ses coaccusés. Un souper était tout prêt, et la santé du jeune assassin de la reine y fut portée avec frénésie. Les prisonniers firent des petites bagues en écaille où étaient gravées ses initiales et que les jeunes gens d’Athènes se disputaient avec passion. On envoya en France sa photographie afin qu’elle fût reproduite et qu’on pût en distribuer à Paris de nombreux exemplaires. Sa comparution devant le jury fut pour toute la Grèce un grand événement. On racontait que sans les instances réitérées de son père il n’eût pas pris de défenseur, et qu’il avait composé lui-même un long discours où il justifiait, par des considérations politiques, l’attentat qu’il avait commis. L’attitude de cet enfant de dix-sept ans en face de ses juges fut réellement dramatique. Son avocat, interrogeant le passé de sa famille, dont presque tous les membres se sont

  1. Mme Dosios s’est livrée avec passion à l’étude de la poésie dramatique : elle a écrit en vers grecs des traductions estimées.