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sorbés par le reste de la population, et dans l’espace d’une vingtaine d’années perdent leurs mœurs, leur langue et souvent jusqu’à leur nom, ils s’assimilent au contraire les Brésiliens dans la province de Rio-Grande-do-Sul. Loin d’oublier leur langue, ils l’enseignent. Les cours ne se font en portugais que dans une seule école allemande. Les trente autres écoles des colonies, contenant 1,031 élèves en 1857, n’ont pas même un seul professeur de portugais, tandis que l’étude de l’allemand est obligatoire dans tous les établissemens de la province destinés aux Brésiliens. Cette prépondérance de l’influence germanique doit être attribuée certainement à l’énergie civilisatrice des Allemands. Ils donnent au pays ses instituteurs, ses agriculteurs, ses industriels. Ce sont eux qui ont enseigné aux habitans de la province l’usage de la charrue, qui était complètement inconnue avant leur arrivée dans le pays; ce sont eux qui fournissent les céréales, les légumes, les racines qu’on devait autrefois importer à grands frais pour l’alimentation de la province, et que le port de Rio-Grande exporte aujourd’hui en grande abondance à Rio-Janeiro et dans les républiques voisines; ce sont eux qui possèdent les principaux établissemens industriels du pays, raffineries, scieries, tanneries. Grâce aux Allemands, les lignes de bateaux à vapeur établies sur les petites rivières des colonies, le Jacuhy, le Rio-dos-Sinos, transportent annuellement dix ou douze fois plus de voyageurs que les grands bateaux à vapeur desservant l’immense fleuve des Amazones. En outre ils exercent librement leurs droits de citoyens; ceux qui professent la religion protestante peuvent se bâtir des chapelles et entretenir des pasteurs : ils ont même le droit de se marier, et rarement la loi brésilienne ose intervenir, comme elle le fait dans les autres parties de l’empire, pour casser les mariages mixtes et déclarer bâtards les enfans qui en sont issus.

La province de Santa-Catarina, qui occupe au nord de celle de Rio-Grande-do-Sul une zone de cent lieues de longueur entre le plateau des campos et les bords de la mer, est également redevable à l’émigration allemande de son importance sans cesse croissante. Elle ne jouit point, comme la province méridionale du Brésil, d’un climat analogue à celui de l’Allemagne du sud et n’a pas le privilège de relier l’Atlantique avec les vastes régions qu’arrosent l’Uruguay et le Paranà; mais sous d’autres rapports elle est particulièrement favorisée par la nature. Les terres sont d’une excessive fertilité, et produisent la plupart des plantes de la zone tropicale aussi bien que celles de la zone tempérée; les montagnes renferment des gisemens de charbon de terre d’une grande richesse; plusieurs des nombreux fleuves qui arrosent la province de Santa-Catarina sont navigables jusqu’à la base de la chaîne côtière; enfin le rivage dentelé offre