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bay et Hong-kong, ces clippers qui, pour l’activité, pour la vitesse et pour l’audace de leur navigation, en remontraient aux bâtimens de guerre de tous les pavillons. Les clippers qui fendaient si rapidement les mers de l’Inde et de la Chine sont remplacés par des navires à vapeur, cette autre gloire de l’Angleterre commerciale et maritime. Elle n’a pas inventé la machine à vapeur, elle n’a pas été la première à l’appliquer comme moyen de propulsion; mais il n’est que juste de reconnaître qu’elle a fait, à elle seule, plus que toutes les autres nations ensemble pour perfectionner la machine ou pour en généraliser l’emploi, et cela en passant par tous les degrés de l’échelle, depuis les élégans, rapides et petits watermen ou citizen, qui fourmillent sur les flots de la Tamise, qui circulent avec une si admirable aisance au milieu des multitudes de navires dont elle est perpétuellement encombrée, jusqu’au gigantesque Great-Eastern. Pour la navigation à vapeur, les constructeurs, les armateurs et les marins de l’Angleterre ont déployé l’esprit d’invention le plus infatigable et l’activité la plus féconde. Le public lui-même s’est attaché à l’œuvre avec une ardeur et une générosité qui lui font honneur, et qui montrent combien profondément la question a pénétré dans les entrailles de la nation. On l’a vu lorsqu’il s’agit d’établir des communications régulières avec l’Amérique, lorsqu’il fallut trouver des fonds pour expérimenter l’hélice, lorsqu’il fallut fournir des millions pour construire le Great-Eastern. Entre les milliers de souscripteurs qui ont donné leur argent pour cette entreprise, n’est-ce pas la presque totalité qui n’y a vu qu’une grande et belle expérience à faire, sans espoir de rentrer dans ses capitaux? Aussi les Anglais sont-ils les véritables créateurs de ces innombrables services de navigation à vapeur qui lient entre eux tous les peuples jusqu’à leurs antipodes, et qui sont une des merveilles de notre âge. L’amirauté a pu rester stérile ou ne produire que des œuvres contestables; les flottes des compagnies qui font le service de la poste dans les quatre parties du monde, et qui emploient aujourd’hui beaucoup plus de 100,000 chevaux de vapeur, sont des créations admirables, et que l’on serait presque tenté de regarder comme parfaites, si l’on ne voyait les hommes éminens qui les dirigent, les ingénieurs qui construisent et les habiles marins qui conduisent leurs paquebots, leur faire faire tous les jours de nouveaux progrès.

La marine est par excellence l’affaire nationale des Anglais. C’est le foyer vers lequel convergent les ardeurs d’un patriotisme que vivifie l’air pur et sain de la liberté. Ce n’est pas la moindre raison de sa puissance. La supériorité que l’Angleterre possède déjà au point de vue des finances, des moyens de la production matérielle et du chiffre de sa population maritime, n’est encore à nos yeux qu’assez peu de chose, comparativement à la force morale qui lui est ac-