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Les favoris des rois ont leurs jours de bonne fortune auprès des peuples : Buckingham ne manquait ni de hardiesse, ni de savoir-faire ; ses passions personnelles étaient en ce moment d’accord avec la passion nationale ; il l’exploita en la servant. Sans se soucier des désirs secrets et des alarmes du roi son maître, il encouragea toutes les manifestations, toutes les publications anti-espagnoles ; un ministre puritain, Preston, l’un des chapelains du prince Charles, devint son intermédiaire auprès des protestans les plus ardens ; il se concerta avec les chefs de l’opposition dans le parlement près de se réunir. En présence de son pouvoir et de son succès, ses adversaires dans la question du mariage espagnol, le garde des sceaux Williams et le comte de Bristol lui-même, s’intimidèrent et firent effort pour se réconcilier avec lui. « L’état actuel des affaires du roi exige le concours de tous ses serviteurs et de tous ses ministres, lui écrivit Bristol[1], qui n’avait pas encore quitté Madrid ; c’est ce qui me fait offrir à votre grâce mes services, et s’il y a eu entre nous quelques malentendus, j’espère que, par ce même motif, votre grâce n’y pensera plus. Quant à moi, je m’appliquerai à vous donner des satisfactions qui méritent votre amitié, et si je ne réussis pas, on ne me trouvera pas dépourvu de patience, quoi qu’il me puisse arriver. » Quelques jours avant l’ouverture du parlement[2], le garde des sceaux Williams fit à Buckingham des avances encore plus empressées et plus humbles. « Je n’osais pas écrire à votre grâce, que je savais si irritée contre moi, et j’étais résolu avec chagrin à tout supporter avec patience, sans la moindre pensée d’opposition à votre volonté ; mais son altesse[3] m’a encouragé, et même commandé d’agir autrement, m’assurant que votre grâce ne ressentait contre moi aucun réel déplaisir… Bien résolu donc, quoique nous différions d’opinion, à rester debout ou à tomber fidèle et constant serviteur de votre grâce, je vous supplie de recevoir mon âme en preuve et en gage que, depuis le premier jour où je vous ai vu, je n’ai jamais nourri dans mon cœur aucune pensée d’opposition à votre grâce, que je crois votre grâce aussi fermement établie dans la faveur de sa majesté et son altesse qu’elle l’ait jamais été, et que je n’ai jamais révélé à personne les secrets de votre grâce. Enfin je demande humblement et cordialement pardon à votre grâce d’avoir douté (et c’est là mon principal tort) d’un si sincère et noble ami. Et pour que je ne paraisse pas un véritable sot, permettez-moi de me rappeler une fois et d’oublier ensuite à jamais les motifs qui m’ont fait agir ainsi. »

Le parlement s’ouvrit donc le 19 (29) février 1624 sous ces auspices :

  1. Le 6 (16) décembre 1623.
  2. Le 2 (12) février 1624.
  3. Le prince Charles.