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de l’église universelle, persévérant dans l’exécution de leur tâche, s’obstinant à siéger à Bâle, déployant la plus audacieuse, vigueur, mais dépouillés aux yeux du monde de tout caractère œcuménique, et ne réussissant, en fin de compte, qu’à augmenter la confusion dont profitera si bien la diplomatie d’Eugène IV. Qu’on se rappelle ces événemens extraordinaires et qu’on rapproche les dates : c’est le 5 juillet 1436 que le concile de Bâle faisait proclamer à Iglau la transaction signée avec les députés hussites ; c’est le 18 septembre de l’année suivante que le pontife romain, s’appuyant sur l’illégale décision d’une minorité factieuse, transfère le concile à Ferrare.

La grande assemblée constituante de l’église une fois désorganisée, le parti de la réaction devait triompher en Bohême. Chaque victoire d’Eugène IV dans les affaires générales de l’église est une victoire à Prague pour les adversaires des hussites. Il est vrai que le pape, dans une bulle du 11 mars 1436, avait accordé aux hussites à peu près les mêmes avantages que leur assurait le concile ; mais cela se passait à une époque où le concile et le saint-siège rivalisaient de bienveillance envers les hussites, se disputant en quelque sorte l’honneur de terminer la révolution de Bohême. dès que la cour de Rome fut délivrée de l’opposition du concile, la bulle du 11 mars fut promptement oubliée. Un des premiers actes de cette réaction, qui va grandir pendant une douzaine d’années, épouvanta la ville de Prague au mois de septembre 1437 : cinquante-trois des partisans de Jean Huss, parmi ceux qui s’éloignaient le plus des catholiques, cinquante-trois taborites, furent pendus haut et court sur la grande place. Au milieu de ces malheureux, on apercevait un homme en brillant costume et pendu avec une chaîne d’or : c’était leur chef, un chef qui s’était acquis une juste renommée dans les guerres de la patrie, un homme qui s’était battu pour sa foi, qui avait porté la bannière de la république évangélique. « Ce fut, dit le simple annaliste à qui M. Palacky emprunte ces détails, ce fut dans le peuple une désolation profonde ; chaque fois qu’on en parlait, il n’était personne qui pût retenu, ses larmes. » Quelques jours après, un autre chef illustré dans vingt batailles, un seigneur hussite, délégué à cet effet par les villes de la Bohême orientale, le sire de Miletinck, fit entendre à la diète de Prague les accusations les plus graves contre la politique de l’empereur. « Où sont, disait-il, les engagemens d’Iglau ? Tous nos droits sont violés ; notre archevêque, reconnu par le concile, a été obligé de prendre la fuite ; nos prêtres ne peuvent recevoir l’ordination ; les évêques du parti catholique, au mépris de la foi jurée, les repoussent comme des ennemis de l’église ; les débauches, les péchés mortels, dont nous avions tari la source impure, s’étalent dans la ville aussi impudemment qu’autrefois. » L’ardent orateur continue sur ce ton, et, soit qu’il expose des