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qui ne sont pas venus. » A la vivacité de ces reproches, on voit quels étaient les rapports des chefs et des soldats dans cette mêlée de tout un peuple. On devine aussi la politique et l’attitude de l’homme qui était le principal adversaire des hussites. Beaucoup moins occupé de questions religieuses que d’influences terrestres, songeant à ses alliances extérieures bien plus qu’aux problèmes de son pays, il courtisait surtout l’empereur, et par l’empereur la cour de Rome. Le parti qui avait accepté sa direction devait perdre bientôt son caractère spécialement catholique pour devenir le parti allemand ; les hussites au contraire étant de plus en plus la vivante expression de la Bohême, tout ce qui se sentait un cœur national était poussé vers eux.

Tel était donc l’aspect du pays pendant les confuses années de l’interrègne : quatre partis, ou, comme on disait, quatre fédérations, — les calixtins modérés avec le sire de Meinhafdt, les calixtins ardens avec le sire Ptacek de Pirkstein, les taborites sans chef reconnu, sans organisation puissante, terribles seulement par le fanatisme, et en face de ces trois corps distincts d’une même armée la fédération faussement appelée catholique, dirigée, on a vu comment, par le baron Ulrich de Rosenberg.

On aurait cependant une idée peu exacte des choses, si l’on se représentait ces divisions aussi nettement que nous venons de les exposer. C’est l’affaire de l’historien d’introduire la lumière et l’ordre dans les parties les plus sombres des annales humaines. Cet ordre, qui se fait de lui-même à distance, les contemporains ne le voient pas toujours. À vrai dire, pendant la plus grande partie de cette période, la confusion est au comble, et les scandaleuses discordes de l’église viennent l’augmenter encore. C’est le moment où il y a deux papes et deux conciles. On avait déjà vu plusieurs prétendans se disputer le saint-siège : deux papes et deux conciles à la fois, cela ne s’est vu qu’à cette époque, La France, occupée alors à se débarrasser des Anglais, n’a point ressenti le contre-coup de ces commotions, et notre histoire nous en parle peu ; l’histoire d’Allemagne en est remplie, et aucun pays n’en a plus souffert que le pays de Jean Huss. Au mois de février 1439, le pape Eugène IV avait transféré à Florence le concile établi à Bâle, ce qui équivalait à la dissolution de l’assemblée souveraine de l’église, et le concile avait répondu par deux votes énergiques : le 25 mai, il avait déposé Eugène IV ; le 17 novembre, il avait élu pape, sous le nom de Félix V, un prince de la maison de Savoie. Couronné à Bâle le 24 juillet 1440, Félix V avait organisé sa cour dans cette ville et créé un grand nombre de cardinaux. Pendant ce temps, le concile de Florence avait inauguré ses travaux comme si le concile de Bâle ne continuait pas de siéger. Entre les deux conciles et les deux papes, la confusion était si grande et le droit si incertain que plusieurs états catholiques, par une contradiction