Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/623

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Son autorité principale était hors des frontières du pays. Toutes les questions pendantes, l’élection d’un roi, la pacification religieuse, exigeaient des négociations avec l’empereur, avec les princes d’Allemagne, avec les pères du concile ou les cardinaux italiens ; le seul représentant de la Bohême en ces occasions était Ulrich de Rosenberg. Il n’avait reçu pour cela aucune mission expresse, mais l’illustration de sa race, ses relations avec l’aristocratie germanique, sa richesse même, lui assuraient si bien ce titre de négociateur auprès de l’Europe, qu’aucun de ses adversaires ne songeait seulement à le lui disputer. Ce fut sa force dans les commencemens, ce fut aussi sa faiblesse. Plus il étendait son crédit auprès des princes d’Allemagne, plus son influence diminuait en Bohême. Un des grands moyens d’action dans les affaires intérieures, c’étaient ces diètes, ces assemblées d’états que convoquaient les principaux chefs, tantôt dans une ville, tantôt dans une autre, et où se portaient à l’envi barons, chevaliers et bourgeois, comme dans un tumultueux forum. Ulrich de Rosenberg, qui voulait prolonger l’interrègne afin de réserver le trône au fils d’Albert d’Autriche ou plutôt à son tuteur Frédéric III, redoutait ces assemblées, où il était si naturel que le choix d’un souverain fût remis en question ; sa constante politique était d’en obtenir l’ajournement. C’était lui qui, par d’habiles manèges, avait décidé le duc de Bavière à refuser la couronne des Prémysl ; c’était lui qui, à chaque convocation d’états, suscitait des empêchemens inattendus. Or, pendant que ce fin diplomate ne songeait qu’au roi de l’avenir, le sire Ptacek de Pirkstein, attentif aux intérêts de l’heure présente, déjouait les intrigues de son rival, écartait les obstacles, rendait les réunions aussi faciles qu’elles étaient nécessaires, et comme tous les partis avaient le goût de ces parlemens, celui qui les provoquait avec tant de zèle, celui qui les présidait en l’absence du baron de Rosenberg, devenait peu à peu aux regards de tous le véritable représentant du pays.

On voit par les documens de M. Palacky que les partisans de Rosenberg ignoraient eux-mêmes le secret de cette temporisation perpétuelle. « Nous sommes surpris, — lui écrivaient un jour deux de ses alliés, Jean et Wilhelm de Riesenberg, — nous sommes surpris et affligés, messire baron, que tu n’aies point paru à la diète. L’absence des nôtres, et surtout la tienne, a été cause que notre couronne orpheline est plus abandonnée que jamais, et il en est résulté une panique dont nous aurons à nous repentir. Ceux par la faute desquels la diète n’a pu s’ouvrir ont manqué à Dieu et à la patrie, Les promoteurs de cette réunion sont indignés que tant de gens, oubliant leur parole, n’aient pas répondu à l’appel et les aient ainsi livrés à la risée du monde ; mais la honte, à notre avis, n’est pas pour eux, elle est pour les hommes qui avaient promis de venir et