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Le jeune roi est conduit à Vienne par les vainqueurs ; Autrichiens, Hongrois, Bohémiens, l’accompagnent triomphalement, et là, tandis que chacun des chefs de parti lui impose certaines conditions pour prix de sa liberté qu’on assure et des couronnes qu’on lui rend, Ulrich de Rosenberg n’a pas de peine à obtenir les conditions les plus défavorables à Podiebrad, à Rokycana, et à tout le parti des hussites. Ainsi, vaincu à Prague, l’adversaire de la révolution prenait sa revanche à Vienne. Il le croyait du moins ; singulière illusion et de courte durée ! Pendant que ces Choses se passaient en Autriche, le lieutenant du royaume de Bohême, ramenant à lui les taborites modérés, écrasant dans leur foyer même les fanatiques opiniâtres, puis frappant un dernier coup sur les restes du parti de Rosenberg, demeurait le maître du terrain. La ruine des deux factions extrêmes avait consolidé pour longtemps l’unité de la patrie et de la révolution. Soutenu par tout un peuple, entouré d’une armée victorieuse, la main sur cette couronne dont il était le gardien loyal, George de Podiebrad n’avait qu’à se montrer pour déjouer les intrigues du baron de Rosenberg, A son tour, il fit ses conditions : il les fit pour lui-même sans doute, car il avait le droit d’être ambitieux ; il les fit surtout pour les grands intérêts religieux qu’il représentait dans son pays et qui déjà l’avaient porté si haut. En face de cette loyauté qu’appuyait une telle force, les conseillers de Ladislas virent bien qu’il fallait céder. George continuait à remplir la charge de lieutenant du royaume jusqu’à la majorité du roi ; le roi reconnaissait les compactats du concile de Bâle, il reconnaissait aussi Rokycana comme archevêque de Prague et s’engageait à ne négliger aucune démarche pour le faire instituer par le saint-siège ; il se proclamait roi de Bohême, non pas à titre héréditaire, mais par la libre élection du pays ; il renonçait à tous les revenus de la couronne échus pendant l’interrègne, et approuvait l’emploi qui en avait été fait soit par les états, soit par le lieutenant du royaume. Ces points une fois réglés, George se rendit en Autriche pour y saluer son souverain. La première entrevue du glorieux chef avec l’enfant eut lieu le 29 avril 1453. Il passa trois jours à Vienne, et pendant ces trois jours ce ne fut plus le lieutenant du royaume, le chef armé de la Bohême, ce fut simplement le premier et le plus loyal des sujets ; il ne quitta pas le jeune prince un seul instant : chacun était touché de cet empressement à la fois si respectueux et si digne, de ces hommages si complets et qui ne cessaient pas d’être nobles. On dit que l’enfant, un peu réservé d’abord, l’appela bientôt du nom de père.

Quelques mois après (octobre 1453), Ladislas, avec une brillante escorte de princes allemands, était reçu à la frontière de Bohême par George de Podiebrad et l’assemblée des états. On ouvrit devant lui les Évangiles. La main sur le saint livre, il jura fidélité aux lois,