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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/644

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de voir le fougueux ennemi de Podiebrad applaudir avec transport aux paroles du chef des hussites, quand celui-se se déclare prêt à marcher contre les Turcs avec toutes les forces de la Bohême, si les princes allemands ses voisins promettent de ne pas inquiéter ses frontières ? Ainsi, devant le danger qui menace la civilisation chrétienne, les dissidences religieuses disparaissent, et les légats de la cour de Rome marchent sous la même bannière que les soldats de Jean Huss. Malheureusement l’Allemagne catholique n’est guère disposée à les suivre. Les parlemens se succèdent et ne concluent rien. « Ces diètes allemandes ne sont jamais stériles, disait AEneas Sylvius avec son fin sourire ; chacune d’elles en enfante une autre. » Cela dura ainsi plus de deux années. Podiebrad veut se porter sur le Danube ; mais, engagé dans des querelles sans fin avec les princes qui disputent à Ladislas tel ou tel morceau de ses frontières, avec les seigneurs féodaux qui essaient de lui enlever la confiance du roi, avec l’empereur lui-même, qui ourdit contre son neveu de misérables intrigues, il est forcé d’ajourner ses projets. C’est encore Hunyade, plus libre dans sa Hongrie, où ne bat qu’un seul cœur, c’est l’héroïque Hunyade qui va supporter le poids de l’invasion et sauver le monde chrétien. Il s’était jeté dans Belgrade pour en faire le boulevard de l’Europe ; Capistran, avec des bandes de Polonais, d’Allemands, de Bohèmes, de Serbes, vraie croisade populaire qu’enflammait son exemple, était venu l’y retrouver. Mahomet ne tarda pas à envelopper la ville ; sa flotte commençait déjà l’attaque du côté du Danube et de la Save, tandis qu’une immense multitude, maîtresse des abords, se préparait à monter à l’assaut. L’armée d’Hunyade et les bandes de Capistran rivalisèrent d’audace et d’énergie. Chefs et soldats, bourgeois et moines, chacun fit des miracles. Ce furent les bourgeois de Belgrade qui détruisirent la flotte dans le combat naval du 14 juillet 1454, et lorsque toute l’armée turque, s’ébranlant à la fois dans la nuit du 21 au 22, attaqua les remparts de la ville, qui sait si les chrétiens n’eussent pas succombé sous ce formidable choc sans l’enthousiasme de Capistran, qui se portait de tous côtés, soutenant les uns, ramenant les autres, enfin, comme dit un chroniqueur, forçant les morts eux-mêmes à recommencer le combat ? Belgrade fut sauvée et l’armée de Mahomet anéantie. Qui avait remporté la victoire, Hunyade ou Capistran ? Tous deux ensemble, tous deux aussi eurent ce même destin de ne pas survivre à leur triomphe. Quelques semaines après, le 11 août, Hunyade était emporté par la peste, et Capistran ne tardait pas à le suivre ; le fougueux évêque napolitain mourut le 23 octobre dans la petite ville d’Ilok, où Ladislas alla deux fois le visiter sur son lit d’agonie.

L’année de cette héroïque victoire, trois mois après la mort de Hunyade et dans la ville même qu’il avait à jamais illustrée, eut