Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/649

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le roi résidait alors, le jour de Noël 1457. Le cortège se composait de sept cents hommes à cheval et de vingt-six voitures magnifiquement dorées, sans compter les chariots. La foule émerveillée se pressait sur le passage des envoyés de la Bohême. Ces cavaliers si fièrement en selle, ces archevêques, ces évêques, ces dignitaires d’un royaume lointain, ces nobles dames aux parures orientales, c’était comme une apparition d’un monde inconnu. Toute la noblesse de France était allée à leur rencontre à quelques lieues de Tours, et le double cortège avait fait son entrée dans la ville au bruit joyeux des cloches sonnant à pleine volée. Admis le jour même auprès de la reine et de sa fille, les seigneurs et les dames avaient déjà déployé aux yeux de la jeune fiancée les présens de Ladislas, tissus d’Orient, étoffes brodées d’argent et d’or, pierreries des mines de Bohême ; enfin tout était joie, espérance, ivresse naïve, lorsque le lendemain 26 décembre une nouvelle inattendue changea en un deuil subit l’allégresse des deux peuples : le roi Ladislas, dans la fleur de la première jeunesse, venait de mourir à Prague. Charles VII fit célébrer un service funèbre pour l’âme du roi de Bohême dans l’église métropolitaine de Tours, un service vraiment royal, dit Jean Chartier, « tant en sonnerie, luminaire de torches et de cierges qu’autres choses, comme à un tel prince convenait et appartenait. » L’ambassade resta encore plusieurs jours à la cour de France, et quand elle prit congé, le 30 décembre, on ne vit pas seulement pleurer la reine et la jeune fiancée devenue veuve avant l’âge ; il n’était personne qui pût retenir ses larmes. Le roi fit escorter ses hôtes par une troupe de seigneurs pendant leur voyage à travers la France. Toutes les villes avaient reçu l’ordre de leur préparer un accueil magnifique. Ils voulurent connaître Paris, qu’ils n’avaient pas encore vu, s’étant dirigés en droite ligne vers la Touraine. Ils y furent traités selon le vœu du roi, et prirent le plaisir le plus vif à examiner longuement les richesses de la ville, à visiter les monumens, les églises, le trésor de Notre-Dame, les reliques de la Sainte-Chapelle, les écoles et les bibliothèques. L’université, si fameuse dans toute l’Europe chrétienne, était un des principaux objets de leur curiosité. On les conduisit ensuite à Saint-Denis pour leur montrer l’antique abbaye et les sépultures royales. Tandis qu’ils admiraient tant de choses si nouvelles pour eux, ils étaient eux-mêmes un spectacle pour la ville. Ils étaient logés, les uns dans la Cité, les autres sur la rive gauche de la Seine, rue Saint-Jacques, aux alentours de la montagne Sainte Geneviève ; Jean Chartier raconte que leurs chariots, barricadés et défendus comme des forteresses, campaient nuit et jour dans les rues. On était surpris, dit le vieux chroniqueur, de voir » aucuns de leurs chariots demeurant tout chargés de leurs biens, emmy les rues par chaque nuit, en plusieurs lieux, tant