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de l’expédition, et le cabinet de Madrid n’avait point été fâché d’éloigner à ce prix de la scène parlementaire une activité impatiente. Le comte de Reus, je le veux, est un brillant soldat, un esprit vif et hardi, une nature liante et facile : il a de la verve et de l’élan ; mais il a marqué jusqu’ici dans la politique plus par sa pétulance et une excentricité un peu indisciplinée que par la maturité et le jugement. Chose à remarquer, seul de tous les généraux espagnols qui auraient pu être choisis, le comte de Reus avait des engagemens dans la question, et ces engagemens n’étaient rien moins que conformes à la mission qu’il allait remplir. Un jour, dans le sénat, dont il est membre, il avait proposé et soutenu un amendement à l’adresse tendant à blâmer nettement les querelles dont l’Espagne poursuivait le Mexique. « Le sénat est d’avis ; proposait-il de dire, que l’origine de ces différends est peu honorable pour la nation espagnole, et par cela même il voit avec regret les préparatifs de guerre que fait votre gouvernement, parce que la force des armes ne peut nous donner la raison que nous n’avons pas. » Le général Prim enfin, par une circonstance plus propre à lui créer des embarras qu’à faciliter son rôle, avait des liens de parenté avec un homme d’une position et d’une fortune considérables au Mexique, M. Gonzales Echeverria, qui était le ministre des finances de M. Juarez. Ce n’était pas certainement un motif d’exclusion, et s’il acceptait et sollicitait même la mission d’aller représenter l’Espagne dans l’intervention, c’est qu’il était décidé sans doute à suivre la politique de son gouvernement. Il était difficile pourtant que l’homme ayant ses opinions, ses affinités de parti, ses vues propres, peut-être une ambition, ne se retrouvât pas en lui : en effet, à mesure qu’il s’approchait du Mexique, le général Prim semblait laisser entrevoir la pensée d’une action toute personnelle. Le général Serrano lui-même n’était pas sans le remarquer à La Havane. Le plénipotentiaire anglais, sir Charles Wike, n’était point dans la même position. Il s’était montré, dit-on, à une certaine époque, favorable à l’idée d’une intervention européenne, sans exclure une combinaison monarchique. Pour le moment, il avait des liens avec le gouvernement de M. Juarez, ou du moins avec un homme qui venait d’être appelé au pouvoir à Mexico comme ministre des affaires étrangères, M. Manuel Doblado, un esprit éclairé, souple et habile, d’un libéralisme modéré, mais peu sûr. « C’est un homme de talent et d’influence dans le pays, écrivait sir Charles Wike à lord John Russell le 27 décembre 1861. Son premier acte a été de me prier de ne pas quitter Mexico, désireux qu’il était de faire avec moi un arrangement qui donnât à l’Angleterre des garanties positives. Comme cette proposition me fut faite après l’arrivée du courrier annonçant qu’un traité