Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/767

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre civile. À en juger cependant par ce qui se passe aujourd’hui en Italie et aux États-Unis, n’est-on pas frappé de la disproportion qui existe entre les questions et les hommes, et ne semble-t-il pas que les faits vont au rebours des idées ? Est-il rien de moins intelligible que l’attitude du gouvernement italien et les récentes excentricités de Garibaldi ? Comment expliquer les tâtonnemens de l’Union américaine, venant, malgré l’incontestable supériorité de sa puissance, échouer aux portes de Richmond ?

L’état de l’Italie mérite d’être pris en sérieuse considération par les amis clairvoyans de la révolution italienne et par ceux qui, pour les avoir comprises, se sont attachés aux destinées de cette révolution. Quant à nous, nous ne dissimulerons pas la sollicitude avec laquelle nous suivons l’Italie dans la phase difficile qu’elle traverse. Certes nous ne songeons point à nous exagérer les difficultés en présence desquelles se trouve l’Italie ; nous ayons la ferme conviction que les Italiens sortiront victorieux de ces embarras. Nous croyons toutefois qu’il nous importe, ainsi qu’à eux, de bien voir le côté périlleux des affaires italiennes, afin de prévenir à temps les déviations qui pourraient compromettre le succès de la révolution.

C’est au moment où la cause italienne obtenait dans la politique extérieure deux avantages corrects, les reconnaissances de la Russie et de la Prusse, que se sont trahies les difficultés intérieures du nouveau royaume. Loin de nous la pensée de déprécier l’importance des actes diplomatiques par lesquels la Russie et la Prusse ont été amenées à reconnaître le royaume d’Italie ! Convenons pourtant que la révolution italienne a un objet plus élevé que d’obtenir les suffrages de deux cours, de deux chancelleries plus ou moins formalistes, plus ou moins pédantes. C’est aux sympathies des peuples bien plus qu’aux condescendances des cabinets que la cause italienne s’adresse et demande un des principaux élémens de sa force. La révolution italienne a ce privilège, qu’a eu aussi la révolution française, d’être cosmopolite, et d’engager dans sa destinée une portion des destinées du monde. C’est dans la question romaine que la révolution italienne trouve cette vertu et cette force du cosmopolitisme, car l’Italie, en revendiquant et en obtenant sa capitale, n’achèvera pas seulement son organisation comme état indépendant ; elle résoudra un problème d’un intérêt universel, elle changera chez toutes les nations catholiques les bases sur lesquelles reposent les relations de l’église avec l’état, elle introduira définitivement dans le monde l’entière séparation du spirituel et du temporel, et avec cette séparation la nécessité absolue dans tous les pays catholiques de la liberté religieuse et des libertés politiques, qui sont l’indispensable garantie de la liberté religieuse. Rome n’est donc pas seulement l’objet supérieur et final de la révolution italienne ; en revendiquant Rome avec une infatigable énergie, en achevant la conquête de sa capitale nécessaire, l’Italie paiera sa dette de reconnaissance à cette portion vivante du monde qui l’a soutenue dans ses efforts de toute la puissance morale de ses sympathies. Que