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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/908

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l’énergie de l’association, l’énergie des forces naturelles ; ce n’est pas pour négliger un instrument tel que la force des lois et de l’état. Il en fit un solide usage pour parer le coup du blocus continental, ayant désormais à se nourrir lui-même, à se convertir en champ de blé, en manufacture de céréales. Alors fut ouverte, sous l’autorité de la loi, une immense expropriation, celle de tous les biens communaux qui étaient des pâturages, puis celle de tous les droits de pâturage qui existaient sur les biens des particuliers. Dans cette prairie qu’est l’Angleterre en vertu de son climat, c’était une grande opération. Y déclarer expropriable ou rachetable tout ce qui était pâturage était à peu près de même conséquence que si l’on eût institué parmi nous le rachat de tous les baux à métairie qui cultivaient la France, et cela pour passer à une culture meilleure, plus avantageuse au pays, aux propriétaires. Cette grosse affaire fut traitée par les Anglais avec la véhémence qui les distingue. On ne vit partout que défrichement, ce que Mac-Culloc appelle agricultural mania ; nullement un caprice, quoi qu’il en dise, mais le sentiment d’un besoin public et impérieux, une spéculation utile à tout le monde. Ce fut l’effet des inclosure-bills, ainsi nommés, parce que la clôture était l’obstacle au parcours du bétail, la prise de possession, la marque et la garantie de l’appropriation agricole.

On voit comment il peut arriver que les races les plus diversement douées se touchent par quelque côté, — soit que les défauts de l’une portent en eux-mêmes un certain correctif, tandis que les qualités de l’autre n’ont pas eu l’éducation voulue, — soit que la race éprouve dans ses défauts comme dans ses dons l’influence des institutions, celles-ci à leur tour fondées ou dominées par les événemens. Il en est des peuples comme des individus, subissant non-seulement leur naturel, mais leur condition, l’empire des circonstances où ils vivent ; le naturel des peuples, si prononcé qu’il soit, ne fait pas à lui seul toute leur destinée. On a ses instincts sans doute, mais on a son histoire, son éducation. Un passé qui consacre et oblige les classes supérieures, une liberté qui a cultivé toutes les classes dans leurs sentimens et leur intelligence, un sentiment religieux entre autres, plus sincère et plus persistant, entretenu qu’il est par de libres controverses, voilà des influences qui élèvent une nation au-dessus d’elle-même, au niveau des mieux douées. La liberté et la religion ont cela de grand qu’elles tirent l’homme de sa routine et lui posent des problèmes au nom du bien public, au nom d’une autre vie. Quand on est interpellé de la sorte, il faut bien un jour ou l’autre, si peu qu’on y soit porté, à travers les ennuis et les aspérités du sillon que l’on trace, lever les regards vers la patrie et vers le ciel.

Une race individualiste avec les difficultés de tout ce qu’elle veut