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éten- puisqu’il peut condamner à la déportation, et pour régler les questions administratives, confiées en France à nos conseils-généraux.

M. Mason conduit l’exilé français aux séances de ces tribunaux, qui se tiennent d’ordinaire dans la salle principale de l’auberge du village. Il lui explique en même temps les institutions de bienfaisance créées sous ses auspices. Partant de ce principe, que l’aumône proprement dite abaisse celui qui la reçoit, les personnes charitables cherchent en Angleterre à secourir le pauvre sans lui faire perdre le respect de lui-même, et l’invitent à coopérer avec ceux qui viennent à son aide ; de là ces nombreuses sociétés appelées clubs. Toutes les œuvres de Lynmore sont organisées dans cet esprit d’association. Le club du charbon, le club des vêtemens, le club de la maternité, le club des malades, se composent de membres honoraires et de membres participans : les premiers sont les protecteurs de l’association, ils contribuent annuellement à la caisse pour une certaine somme; les autres versent quelques sous par semaine. A la fin de l’année, la somme recueillie est distribuée aux membres participans proportionnellement au montant de leur cotisation. Un ouvrier a-t-il donné en moyenne quatre sous par semaine, il aura mis dans la caisse à peu près 10 fr. 50 au bout de l’année, et il lui sera acquis en sus 5 ou 10 fr., selon que les membres honoraires se seront montrés plus ou moins généreux.

A Lynmore, le nombre des sociétaires du-club du charbon est de 102; les sous des membres participans font un total de 600 francs, les souscriptions des membres honoraires s’élèvent au double de cette somme. Les chiffres du club des vêtemens sont à peu près les mêmes. Dans le club de la maternité, toute femme qui verse 5 shillings pendant sa grossesse reçoit au moment de ses couches 10 shillings. Dans le club des malades, quiconque verse régulièrement 8 pence, ou 80 centimes par mois, reçoit gratuitement les visites du médecin et les médicamens; les membres honoraires complètent ce qui est nécessaire pour assurer au médecin un salaire fixe de 1,000 fr. par an et pour couvrir les frais de pharmacie.

Tous ces clubs existent en sus des sociétés de secours mutuels, organisées à peu près comme les nôtres; il faut ajouter pourtant qu’elles sont plus libres, plus nombreuses et plus riches. Celle de Lynmore célèbre, le lundi de la Pentecôte, une grande fête, qui réunit les sociétaires de plusieurs villages. Chaque détachement arrive en procession avec sa bannière, on se rend à l’église, on écoute avec recueillement un sermon approprié à la circonstance ; un grand dîner, où siègent les membres honoraires à côté des ouvriers sociétaires, termine à l’anglaise la cérémonie. Le Français obtient de s’asseoir à ce dîner, il y entend les toasts de rigueur, il y voit M. Mason échanger de cordiales poignées de main avec les assistans. A tout instant, ce sont des fêtes de ce genre, qui portent dans la monotonie de la vie rurale la joie et le mouvement : tantôt la distribution des prix des écoles primaires, qui réunit tous les enfans du village sur la vaste pelouse du château, où les demoiselles leur distribuent du thé et des gâteaux, et prennent part à leurs jeux; tantôt le grand dîner champêtre qui suit la fenaison et la