Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Rome. C’est à lui faire de la place qu’avait servi le fameux incendie. Non loin de sa statue colossale, qui touchait aux nues, sidereus, dans le vallon où Néron avait creusé des lacs, Vespasien voulut bâtir un amphithéâtre pour le peuple, et Martial, qui sait fort bien appeler par leur nom les césars quand ils sont morts, se réjouit de voir l’odieux séjour d’un tyran sauvage, invidiosa feri… atria regis, faire place à un édifice public ; il loue les Flaviens d’avoir rendu Rome à elle-même, et le nouveau cirque, des bains, un portique, ont, dit-il, fait des délices du maître les délices du peuple. Les Romains n’ont pas été le seul peuple qu’on séduisît avec des bâtimens, et qui, acceptant de belles promenades en échange de ses droits, donnât sa liberté pour un spectacle de plus.

Vu du côté de l’arc de Constantin, le Colisée est en ruine. Son enceinte extérieure, naturellement la plus élevée dès quatre murailles concentriques de hauteur décroissante qui entourent l’arène, est rasée jusqu’au sol. On dirait la brèche d’une immense citadelle. Sur le reste du pourtour, les quatre ordres superposés se tiennent d’aplomb jusqu’à l’entablement du plus élevé. Les trois premiers étages forment chacun, sur une ligne elliptique, une suite de quatre-vingts arcades supportées par des piliers à colonnes engagées. Celles de l’étage inférieur sont doriques, La hauteur de cet étage est à celle des deux suivans comme 30 à 38. Ceux-ci, qui sont égaux, l’un ionique et l’autre corinthien, supportent un quatrième étage plus élevé qu’aucun des trois autres, sans colonnes et sans arcades, et dont les pilastres corinthiens, joints par des murs pleins, forment un couronnement malheureux. On a cru même y voir une addition au plan du premier architecte ; mais les médailles ne justifient pas cette conjecture. Malgré cette critique et bien d’autres, l’aspect d’ensemble de ces ordres associés leur est très favorable. Il en résulte une réunion du colossal et de l’élégant, qui pourrait bien être une des sources de la beauté. Une élévation de 52 mètres sur un développement de 546, qu’on a trouvé moyen de rendre agréable par des détails d’architecture, produit un effet de contraste qui a bien son prix.

Du côté où il est debout tout entier, le Colisée a demandé des travaux de réparation et de consolidation qui paraissent faits avec intelligence, mais qui nuisent au dessin général, et qui n’ont pas empêché des lézardes, des surplombs et des dégradations visibles. Les liens de fer qui cerclent les colonnes ou contiennent les boursouflemens sont innombrables, et, dans la partie du monument qui a le mieux conservé ses formes, la hauteur stupéfiante inquiète par l’apparence d’une ruine prochaine ; qui pourra bien menacer quelque dix siècles encore.