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que l’honneur du saint-siège y était engagé, il se jeta dans l’arène avec violence. Il n’y a rien de tel que ces indifférens, quand le fanatisme les prend à faux et à froid. Craignant de ne pas faire assez, ils ne connaissent plus ni règle ni mesure. L’évêque de Breslau, bien peu suspect de tiédeur assurément, — car il était le fils de ce baron Ulrich de Rosenberg qui avait été si longtemps l’adversaire de George de Podiebrad, et l’ardeur religieuse était irritée chez lui par la passion politique, — l’évêque Jost de Rosenberg avait fait dire à Rome que les mesures projetées par Pie II seraient plus nuisibles qu’utiles à la cause catholique, que le roi George n’était pas du tout un sectaire, comme on se le représentait, qu’il n’avait nul goût de prosélytisme, nulle ardeur de persécution mais que si on le poussait à bout par des violences, il pourrait en arriver malheur aux catholiques de Bohême, Il conseillait donc de suspendre la citation du roi, sinon de la supprimer, tout à fait. C’était aussi l’avis du pape ; mais les cardinaux chargés de la question ne lui permirent pas de s’endormir. En répondant à l’évêque de Breslau, ils avaient écrit ces paroles qui devaient aiguillonner Paul II : « Celui qui règne en Bohême aurait tort de s’imaginer qu’avec Pie II, de sainte mémoire, toute la puissance du siège apostolique est descendue au tombeau. » De telles paroles sont faites pour déchaîner les plus mauvaises passions dans une faible et mauvaise nature. « Pourquoi l’homme qui se dit roi de Bohême, n’a-t-il pas envoyé d’ambassadeur à Paul II ? » disaient encore les cardinaux, car ils savaient tous les moyens d’irriter la vanité du pape ; Ils ajoutaient : « La force du saint-siège ne s’est pas amoindrie avec l’évêque Paul, au contraire elle s’est accrue. Les habitans de Breslau ont tort de redouter la lutte ; Paul II saura les défendre plus énergiquement que son prédécesseur. Il a des ressources auxquelles Pie II ne songeait pas. Est-il donc, si difficile de diviser en deux parties l’armée qui se rassemble contre les Turcs, et d’en envoyer la moitié au secours des fidèles de Silésie ? » C’était tout un programme tracé au souverain pontife ; après avoir excité sa fureur, on lui mettait le glaive à la main. Remarquez aussi ces formules : « celui qui règne en Bohême, celui qui se dit roi de Bohème. » Le cardinal Carvajal, le cardinal Bessarion, le cardinal Guillaume d’Ostie, — car ce sont eux qui allumaient ainsi l’aveugle fureur du pontife, — avaient déjà prononcé, comme on voit, la déposition du roi George.

C’est à ce moment-là que le baron Hynek de Lichtenburg arrive à Rome et invoque la justice du pape contre George de Podiebrad, oppresseur des catholiques. Le pape se déclare juge suprême entre le roi et le baron ; mais d’abord, avant toute procédure, il ordonne au roi de lever le siège de Zornstein et d’indemniser le baron pour les pertes qu’il a subies : sans cela, toute négociation est rompue