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spoliateur des biens de l’église, afin qu’il eût à se justifier de ces accusations et de bien d’autres encore ; il le tenait pour juge sans nulle forme de procès, et le condamnait par avance. Un décret pontifical, publié quatre jours après la citation, dégageait de tout devoir envers le roi de Bohême ceux qui tenaient à lui par quelque lien que ce fût, parens, alliés, sujets, et frappait d’anathème quiconque lui porterait secours.

Ce fut une heure sombre pour le roi, quand il entendit retentir cette clameur impie. Alliés, sujets, tous ces hommes si chèrement conquis à force de labeur et d’héroïsme, le pape leur faisait un devoir de la révolte ! Ces amitiés scellées du sang le plus pur, cette autorité recueillie avec tant d’efforts dans le naufrage public et qui avait sauvé la patrie, elles étaient maudites au nom de Dieu par la voix qui trouble les consciences ! Le roi George crut sentir la cognée dans les racines de l’arbre. Il lui sembla qu’un tremblement de terre secouait son édifice. Tout près de lui, dans les hauts rangs de l’état, il devinait déjà des âmes ébranlées. Aux ressentimens des ennemis vaincus allaient se joindre les perfidies des serviteurs jaloux. Les faux amis, qui s’étaient inclinés devant le succès, mais qui enviaient secrètement la fortune du parvenu, s’empresseraient de saisir le prétexte fourni par la cour de Rome à leur félonie toute prête. Ces pressentimens du roi ne tardèrent pas à se réaliser. Pendant toute l’année 1465, le péril va croissant de jour en jour. La ligue des barons s’organise. Que faire ? Essayer encore de calmer la fureur du pape avant que la guerre civile ne rende toute négociation impossible ; tenter un compromis sans abandonner les principes de la révolution. Si Podiebrad n’était qu’un soldat, il courrait aux armes avec ses fils ; il est roi, il a charge d’âmes, une immense responsabilité pèse sur lui ; son devoir est de négocier avant de combattre. Il offrira donc à Paul II la restitution des biens de l’église confisqués depuis un demi-siècle dans la guerre des hussites ; il lui demandera pour la ville de Prague un archevêque catholique, pourvu que cet archevêque, Bohémien ou Morave de naissance, s’engage à considérer les calixtins comme une partie de son troupeau, à respecter leur culte, à ordonner les prêtres de l’une et de l’autre communion, à se conduire en pasteur chrétien et non en chef de secte. Mais par quel intermédiaire adresser ces offres au souverain pontife ? L’empereur a été sauvé d’une ruine certaine par George de Podiebrad, le roi de Hongrie Mathias Corvin est le gendre du roi de Bohême. Ils ont tous les deux des titres à se faire écouter du pape, le premier par l’autorité dont il est revêtu, le second comme défenseur de la chrétienté contre les Ottomans. Malheureusement la mort vient de frapper le duc Albert d’Autriche, frère de l’empereur, celui dont la turbulence séditieuse inquiétait sans cesse Frédéric III et l’obligeait à réclamer les