Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivante qui admet la diversité des phénomènes ; cette suprématie qu’il reconnaît est la haute magistrature d’une confédération et non pas le pouvoir arbitraire d’une monarchie absolue. Qui sait si ce vœu du roi de Bohême ne sera pas une des réalités de l’avenir ? Elle ne mourra point, cette grande magistrature sacrée ; les événemens qui se préparent lui donneront au contraire une existence nouvelle, si elle en accepte les conditions. Il ne disparaîtra pas, ce grand catholicisme, qui a eu l’honneur d’organiser la vie chrétienne et d’en tracer les cadres ; l’esprit nouveau, qui dissout les choses caduques, le transformera sans le détruire, car il répond à un besoin éternel de notre esprit, et où trouver ailleurs une plus grande école de respect, d’humilité, de sanctification ? Si l’église catholique, fidèle à ses préceptes, reçoit avec une soumission entière les terribles avertissemens de la Providence, si elle se dépouille de toute convoitise humaine et de tout orgueil pharisaïque, quelle grandeur surpassera la sienne ? Un profond et religieux penseur, Alexandre Vinet, disait, il y a quelques années : « Je puis avoir comme protestant des pensées catholiques, et qui sait si je n’en ai pas ? » Le jour où le catholicisme agrandi pourrait parler avec la même largeur de sentiment, où il pourrait embrasser toutes les libres aspirations dont le principe est l’Évangile, où il mériterait enfin son admirable nom et s’écrierait avec le pape saint Grégoire le Grand : Ubi umus colitur Christus, nihil efficit rituum varietas ; » ce jour-là peut-être, la grande attente qui agite en sens divers les meilleurs esprits de notre âge serait enfin satisfaite.

Il est impossible de ne pas se rappeler ici les sublimes paroles que l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg met dans la bouche du sénateur russe. « Examinez-vous, dit l’ardent schismatique au catholique altier, examinez-vous dans le silence des préjugés, et vous sentirez que votre pouvoir vous échappe ; vous n’avez plus cette conscience de la force qui reparait souvent sous la plume d’Homère lorsqu’il veut nous rendre sensibles les hauteurs du courage. Vous n’avez plus de héros, vous n’osez plus rien, et l’on ose tout contre vous. Contemplez ce lugubre tableau, joignez-y l’attente des hommes choisis, et vous verrez si les illuminés ont tort d’envisager comme plus ou moins prochaine une troisième explosion de la toute-puissante bonté en faveur du genre humain. Je ne finirais pas si je voulais rassembler toutes les preuves qui se réunissent pour justifier cette grande attente… Vous, mon cher comte, vous, apôtre si sévère de l’unité et de l’autorité, vous n’avez pas oublié sans doute tout ce que vous nous avez dit au commencement de ces entretiens sur tout ce qui se passe d’extraordinaire dans ce moment. Tout annonce, et vos observations mêmes le démontrent, je ne sais quelle