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ou Velletri, jamais de ces veines soudaines qui rajeunissent la science, de ces mines inespérées qui décuplent nos vieux trésors. On pourrait presque dire que l’art antique a sa Californie : il y a pour lui de l’or sous terre, de l’or en purs filons, tandis que l’art moderne, l’art du moyen âge et des trois derniers siècles, tout son or est déjà monnayé, et cette monnaie qui circule va chaque jour en s’effaçant.

On comprend donc que notre collectionneur, tout avisé qu’il fût, quelque souci d’ailleurs qu’il y prît, quelque argent qu’il y mît, et même en lui supposant ce goût spécial et ce genre d’aptitude dont nous persistons à douter, ne soit pas parvenu, dans le cercle des arts modernes, à se créer une collection plus remarquable et vraiment digne de sa galerie d’antiquités. Il eût fallu s’y prendre vingt ou trente ans plus tôt, et surtout ne pas viser au nombre, n’aspirer qu’à la qualité. Telle qu’elle est cependant, nous sommes loin de professer pour cette collection le dédain absolu qu’affectent quelques personnes. Qu’on y regarde bien, tout n’est pas médiocre, il s’en faut de beaucoup. Il y a d’excellentes choses ; mais rien ne vous séduit, ne vous attire, rien ne brille d’un véritable éclat. Il faut grande attention, presque un certain travail pour écarter l’ivraie et trouver le bon grain, et ce bon grain lui-même ne va jamais jusqu’au chef-d’œuvre. Nous avons parcouru un à un les six cent quarante-six tableaux de tous les âges, de toutes les écoles, dont se compose la série de peinture ; nous avons regardé avec le même soin les quatre-vingt-quatorze morceaux de la série de sculpture, marbrés, stucs, terres cuites naturelles ou émaillées, plus six cent quarante-deux majoliques de formes variées et de diverses fabriques, en tout près de quatorze cents objets ; nous les avons jugés sans prévention, sans tenir compte du catalogue et sans nous révolter d’attributions qu’on ne donne, il est vrai, que sous toutes réserves, mais qui n’en ont pas moins le grand défaut de supposer chez le lecteur un degré de patience et de crédulité trop au-dessus de la moyenne ; notre but était d’apprécier quel est, dans cet ensemble, le véritable nombre d’objets d’un prix réel, d’objets dignes d’entrer sans disparate et sans mésalliance dans une grande et noble galerie ; nous ne voulons pas dire à quel chiffre nous sommes arrivés.

Ainsi de toutes les séries du musée Campana qui n’avaient avant nous souffert aucune atteinte et que nous possédons sans partage, en voilà trois dont la virginité nous touche médiocrement. Que n’ont-elles excité les désirs de ce musée de l’Ermitage ! Si au lieu de marbres antiques, de bronzés, de vases peints, il n’avait convoité que des tableaux italiens d’attribution douteuse, des majoliques estimables, des sculptures florentines de second choix et un peu retouchées,