qu’on maintienne et qu’on expose ensemble, dans un même vaisseau, s’il est possible, ces innombrables terres cuites. Pour cela, rien n’oblige à trouver un local aussi vaste que cette salle où maintenant nous les voyons, car, il faut bien le dire, malgré la prédilection que cette série nous inspire, elle a besoin, comme ses sœurs, d’une certaine épuration ; mais après qu’elle l’aura subie, quand une fois on l’aura purgée de ses scories, des pièces équivoques, des surmoulages et des restaurations, elle n’en sera pas moins tellement nombreuse encore qu’un peu de bonne volonté deviendra nécessaire pour ne pas trop la disperser. Nous aurions, quant à nous, un sérieux plaisir à la revoir ainsi, sans alliage, dans sa demeure définitive, et ce serait alors le moment d’aborder les nombreuses et difficiles questions d’esthétique et d’histoire que ces sculptures soulèvent, surtout quand on les compare aux bijoux, leurs voisins. Pour aujourd’hui, nous ne devons pas même effleurer ces problèmes : c’est bien assez de ce coup d’œil d’ensemble jeté sur la collection.
Somme toute, parmi les diverses séries dont la primeur nous est restée, il en est trois, deux surtout, qui rehaussent singulièrement et la valeur et l’importance de notre acquisition. À nos yeux, nous le disons encore, ces terres cuites et ces bijoux sont la partie, non pas la plus brillante, entendons nous, mais la plus neuve et la plus vitale de toute la collection. Eût-il fallu pour en faire la conquête acquérir tout le reste, quand tout le reste n’eût rien valu, le marché, si onéreux qu’il semble, aurait encore son bon côté. Or il s’en faut que tout le reste soit, comme on l’a vu, sans valeur. Quelques bons marbres, des bronzes remarquables, une multitude de vases que la science tient en sa haute estime, enfin, même à l’étage le plus disgracié, des objets d’un grand prix et çà et là d’un vrai mérite, tout cela forme un ensemble qui, joint à ces deux séries qui vont placer notre musée en si bon rang devant l’Europe, nous permettra de braver avec philosophie les sarcasmes et les sourires de nos plus malicieux voisins. Toutefois, comme le vrai moyen d’avoir les rieurs pour soi est de ne pas paraître dupe, sachons-le bien, le but que nous nous proposions n’est pas celui que nous avons atteint. Nous cherchions l’éclatant, c’est le solide que nous avons trouvé. Nous prétendions tirer un grand feu d’artifice, la poudre n’a pas pris feu, mais n’est pas hors d’usage et peut avec profit rentrer à l’arsenal. Quand on n’échoue que pour bien faire, il n’y a pas après tout grand’raison de se plaindre. Le plus ambitieux projet se pardonne aisément quand il n’a d’autre pis-aller qu’une œuvre utile et raisonnable.
L. VITET.