Il ne faut pas s’aveugler sur la crise qui bouleverse en ce moment l’Amérique du Nord. Ce n’est pas une de ces querelles d’intérieur qui se terminent par la défaite d’un parti ; c’est une révolution sociale qui arrive à son heure, et, indépendamment de la volonté humaine, un de ces incidens terribles et majestueux auxquels tous les autres peuples sont intéressés. L’union sera-t-elle définitivement scindée ? L’établissement d’un grand empire avec le travail esclave pour unique base, la multiplication bestiale de l’homme noir, cette monstruosité est-elle tolérable, est-elle possible matériellement ? Si au contraire l’esclavage est aboli, comment le labeur servile sera-t-il remplacé ? Que deviendront les fabriques européennes, si la guerre se prolonge ? L’Europe doit-elle, peut-elle intervenir, et dans quelle mesure ? En obtenant les matières premières par la force, ne fermerait-elle pas les débouchés pour les produits fabriqués ?
Rien ne peut être plus utile, pour éclairer ces redoutables problèmes, que des notions précises sur les faits économiques et financiers qui s’y rapportent. Que les ressources des États-Unis soient immenses, tout le monde le sait ; mais il ne suffit pas qu’un pays soit riche pour qu’il puisse se livrer impunément à des dépenses exceptionnelles : il faut encore qu’il puisse emprunter, c’est-à-dire que les valeurs représentant les anticipations sur l’avenir trouvent à se classer dans la circulation, sans occasionner un cataclysme. À cet égard, l’Amérique est dans une situation très forte. Le crédit y joue un rôle si considérable qu’il est en tout temps un des principaux ressorts politiques. Dans le nord surtout, l’action