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dans la proportion de 1 sur 1,000. Les baux sont taxés, indépendamment de la somme, à 2 francs 50 centimes lorsqu’ils sont faits pour trois ans, et au double lorsque la durée en est plus longue. Le timbre des effets de commerce est à peu près au même prix qu’en France, mais la feuille timbrée pour contrat coûte moitié moins. — Une innovation bien épineuse dans un pays où la liberté est devenue un besoin instinctif est d’avoir à payer pour l’exercice d’une profession. Toutefois les licences américaines resteront beaucoup moins onéreuses que nos patentes. Je ne vois dans le tax-bill que trente-cinq professions atteintes, et le plus fort droit à payer est de 1,000 francs ; il concerne exceptionnellement ces grands caravansérails qui sont comme des petites villes et dont on fait en ce moment chez nous une imitation splendide. Chaque cafetier tenant billard est imposé à 25 francs par jeu ; un tel impôt donnerait en France un revenu considérable, en ne frappant qu’un abus qui se propage jusqu’au scandale. Les autres licences flottent entre 50 et 500 francs ; ce dernier chiffre est celui du banquier. L’homme de loi, qui paie 50 francs, est placé sur la liste auprès de l’escamoteur, qui en paie 100. Moyennant une licence de 500 francs, le premier venu peut ouvrir un théâtre. — Les produits manufacturés dans le pays sont presque généralement frappés en fabrique d’un droit de 3 pour 100 sur le prix de vente. Les parfumeries et les médicamens, dont les Américains, comme les Anglais, font usage avec une sorte d’avidité, ne se vendent plus sans un timbre équivalant à 4 pour 100. C’est aussi par un timbre sur les factures qu’on saisit certains objets à la vente au détail.

À propos des articles d’alimentation et d’utilité domestique éclate le principe social qui tranche la différence entre le Nouveau-Monde et l’ancien. En vertu d’un axiome qui remonte aux temps où la gabelle fut inventée, l’Europe prétend que les impôts, pour être productifs, doivent avoir pour base un besoin généralement ressenti, et elle s’applique à combiner les taxes avec ces impôts auxquels les plus pauvres ne peuvent pas se soustraire. La démocratie américaine en juge autrement. Même en ces jours de péril extrême où les mesures de salut public sont réclamées par le peuple, on ménage instinctivement les consommations populaires.

D’impôt sur les grains et la farine, on n’en parle pas, et on peut dire qu’ils sont absolument affranchis, puisqu’il y a immunité pour la terre. La viande se trouve atteinte seulement par une taxe d’abatage ainsi réglée : pour les bêtes à cornes, 1 franc 50 centimes par tête lorsqu’elles sont jeunes, et 5 francs lorsqu’elles ont pris tout leur développement ; pour le mouton, 25 centimes par tête ; pour le porc, 50 centimes : la consommation personnelle du propriétaire est exempte. Le vin paie 25 centimes par gallon, pas même