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6 centimes 1/2 par litre ; la bière, 3 centimes 1/2 ; les spiritueux, 23 centimes. Pour le sel, on ne paie pas 2 centimes 1/2 par kilo. Sur le sucre et le café, les droits seront trois ou quatre fois moins forts qu’en Angleterre ou en France. On pourrait dire du chauffage qu’il est exempté : le bois ne doit rien ; la houille paie moins de 20 centimes par tonne de 1,000 kilogrammes. Le tabac parait imposé au tiers de son prix vénal, mais il se vend deux ou trois fois moins cher qu’en France. Ma dernière citation fiscale a la portée d’un trait de mœurs. À l’exception d’un droit général de 3 pour 100 sur le papier et d’une taxe proportionnelle de 3 pour 100 sur les annonces commerciales[1], les livres et journaux sont préservés de toute contribution, même du timbre. Il y a plus : le colportage, qui est une industrie importante dans un pays immense, est soumis au paiement d’une licence assez forte ; mais l’homme qui colporte la nourriture intellectuelle du pays, la Bible et les journaux, est exonéré de tous droits.

Le tax-bill, avec le tarif Morrill, destiné à régler les droits de douane, forme donc à peu près toute la législation fiscale de l’Union américaine. Ces deux instrumens financiers ne sont, à ce qu’il me semble, que des machines de guerre : ils seront très probablement refondus et transformés après la pacification. Le tarif Morrill, concession faite par le parti républicain aux grands industriels de la Pensylvanie, dont dépendait l’élection de M. Lincoln, montre trop ses côtés faibles par les maigres résultats qu’il donne. Le tax-bill, première ébauche d’une fiscalité à l’intérieur, va tellement contrarier les traditions du laisser-faire, qu’il sera battu en brèche dès qu’on n’en sentira plus l’absolue nécessité. On a peu de détails jusqu’à présent sur le mode à suivre pour la perception. Le président divise le territoire en régions fiscales, et envoie dans chacune d’elles un assesseur et un collecteur fédéraux, qui doivent s’entendre, pour la pratique, avec les autorités locales. Il est probable que la perception s’organisera spontanément dans chaque paroisse, et coûtera fort peu. Quant au produit du nouvel impôt, on en est encore aux conjectures. Les appréciations varient entre 500 millions et 1 milliard. L’important est qu’on arrive au chiffre nécessaire pour suffire à l’intérêt et au rapide amortissement de cette dette, qui augmente de jour en jour.

Chez M. Lincoln, le foyer de la passion est ardent, mais concentré à l’intérieur. Dans ses contacts avec autrui, il devient réservé et prudent : on dirait qu’il veut toujours rejeter la responsabilité de ses décisions sur la fatalité des événemens. De même qu’il a fait

  1. Les journaux dont la circulation est inférieure à 2,000 exemplaires n’ont pas à acquitter le droit sur les annonces. Partout se montre la préoccupation de protéger le faible, pour lui donner le moyen de grandir. C’est bien souvent le contraire en Europe.