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ce sont ses condisciples au conservatoire de San-Onofrio de Naples qui lui donnèrent le nom de la bourgade où il a vu le jour. C’est à l’âge de dix ans, croit-on, que le jeune Pergolèse fut conduit à Naples et admis au conservatoire que nous venons de citer. Il eut pour maître Gaetano Greco, élève distingué d’Alexandre Scarlatti et son successeur comme professeur de contre-point. Après neuf ans de travaux et d’études patientes, Pergolèse sortit du conservatoire et composa pour un couvent un oratorio sous le titre de San Guglielmo. Un de ces protecteurs généreux des arts comme il y en avait tant alors en Italie, le prince d’Agliano, engagea Pergolèse à écrire pour le théâtre de Fiorentini un intermède bouffe, Amor fè l’uomo cecco, qui ne réussit pas, et qui fut suivi d’un opéra sérieux, Recimero, qui paraît ne pas avoir reçu un meilleur accueil. Ces débuts pénibles arrêtèrent un instant Pergolèse dans la carrière du théâtre, et il employa deux années de retraite à écrire de la musique de chambre, des trios pour deux violons et basse que lui avait commandés un écuyer du roi, le prince Stigliano. Enfin c’est en 1730 que Pergolèse composa la musique de la Serva padrona, qui fut représentée sur le théâtre de Santo-Bartolomeo à Naples[1]. Le succès de ce charmant badinage fut grand et le plus complet que Pergolèse ait obtenu au théâtre. Il Maestro di musica, il Geloso Schernito, qui vinrent après, n’eurent point le même retentissement. En 1734, Pergolèse fut nommé maître de chapelle de Notre-Dame de Lorette, et l’année suivante il se rendit à Rome, où il écrivit pour le théâtre Tordinione son opéra l’Olimpiade. Cet ouvrage, qui renfermait, au dire d’un contemporain, des morceaux distingués, tomba à plat devant le public romain. Duni, qui se trouvait alors à Rome pour composer un opéra, et qui avait été le condisciple de Pergolèse au conservatoire de Naples, a raconté à un biographe du temps, nommé Boyer, qu’après avoir entendu une répétition de l’Olimpiade il dit à Pergolèse : « Il y a dans votre ouvrage trop de détails au-dessus de la portée du vulgaire ; ils ne seront pas compris, et vous ne réussirez pas. Mon opéra, Nerone, ne vaudra pas le vôtre ; mais, écrit plus simplement, il sera plus heureux. » L’événement donna raison à Duni, et l’Olimpiade n’eut aucun succès. Ce nouvel échec aigrit et découragea Pergolèse, qui retourna à Lorette avec la résolution de ne plus écrire pour le théâtre. Il se déclara alors dans son tempérament, affaibli par des mœurs trop faciles, une maladie de langueur qui décida les médecins à envoyer Pergolèse à Puzzola, près de Naples, pour y chercher un air plus pur. C’est dans ce dernier asile qu’il a écrit avant d’expirer son fameux Stabat mater, la cantate d’Orphée et un Salve regina. On croit que Pergolèse est mort à Puzzola en 1739, à l’âge de trente-deux ans. Il est arrivé à ce maître ce qui se voit bien souvent dans l’histoire des grands artistes : ses ouvrages furent mieux appréciés après sa mort qu’ils ne l’avaient été de son vivant. L’Olimpiade même fut reprise à Rome avec beaucoup de succès.

La réputation de Pergolèse, plus grande et plus populaire que celle des. maîtres les plus illustres de la première école napolitaine, repose sur trois ouvrages : la Serva padrona, le Stabat, et un Salve regina pour une seule

  1. Le libretto, fort agréablement écrit, de la Serva padrona est d’un poète nommé Tullio.