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quelques années, est un grand cours de géographie. Elle nous promène sans trêve et sans repos de l’orient à l’occident, du nord au midi, des contrées asiatiques aux régions du Nouveau-Monde, et c’est le plus souvent à la lumière d’événemens imprévus que recommence et se poursuit hâtivement cette étude de l’univers. Tant que la politique se renfermait dans un certain cercle occidental et restait en quelque sorte une œuvre d’initiés, on s’accoutumait presque à ne connaître les événemens que par leurs résultats, par le retentissement du choc des armées, ou par quelque traité retraçant des frontières, disposant arbitrairement des peuples et de leur sol. Tout au plus y avait-il quelques explorateurs de la diplomatie et de la science allant plus loin, et mesurant dans leur étendue tous ces théâtres où s’agite le drame mystérieux de la vie universelle. Aujourd’hui l’horizon s’agrandit, le monde entier se déroule, et ce sont les guerres, les conflits de la politique, les aventures de la civilisation, les nécessités d’un commerce gigantesque, qui, en touchant à tous les intérêts, en stimulant les esprits, deviennent de grands maîtres de géographie et d’histoire. Nous sommes des Christophe Colomb improvisés qui découvrons l’Inde anglaise au bruit d’une formidable insurrection, la Chine au bruit de la prise de Pékin par nos armes, la Crimée et l’Italie elle-même à l’éclat de deux grandes guerres. Demain ce sera le Monténégro, l’Herzégovine, la Serbie et Belgrade, le monde slave ou le monde oriental ; aujourd’hui c’est le Mexique et l’Amérique latine, et c’est aussi l’Amérique du Nord avec ces immenses espaces où s’agite la guerre civile. Notre cours de géographie continue et se poursuit partout. Il faut bien savoir ce que sont ces pays où se débattent des questions si nouvelles et souvent si étranges, ce que sont ces races avec leurs mœurs, leur nature, leur histoire, leur organisation et tout ce qui sert à expliquer les événemens contemporains.

Peut-être vaudrait-il mieux ne pas se laisser devancer par les événemens et faire un cours de géographie moins précipité, moins agité par des sommations imprévues. On y perdrait sans doute le plaisir de la surprise et de la découverte ; la politique y gagnerait de marcher d’un pas plus ferme sur un terrain mieux connu et mieux défini. On n’aurait point, comme cela arrive trop souvent, à découvrir l’Amérique espagnole et le Mexique le jour où une armée européenne se trouve obligée de faire une halte de quelques mois dans une ville dont le nom était hier inconnu. Pour ceux qui ont la prétention de suivre la marche de la politique, il n’est plus permis aujourd’hui de fermer les yeux sur ce mouvement des choses et sur ces innombrables théâtres où se livrent les combats de la civilisation morale et matérielle. C’est justement à ce besoin intime et profond de notions plus étendues et plus sûres que répond un livre de M. Carlos Calvo, un livre de science et d’érudition où se condensent bien des faits ignorés de la politique intérieure et extérieure du Nouveau-Monde. Représentant officiel du Paraguay a Paris et à Londres, chargé de défendre plus spécialement les intérêts souvent obscurs d’une république qui n’est petite que par son rôle et par ses destinées jusqu’ici, M. Carlos Calvo rend à l’Amérique du Sud tout entière, à l’Amérique latine, comme il l’appelle, le service signalé de faciliter l’intelligence de son développement traditionnel, de rassembler les élémens de son histoire diplomatique à l’époque coloniale, au temps des luttes