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arsenaux. Ils en reviennent plus aptes, plus habiles, plus expérimentés et mieux disciplinés ; ils y puisent un enseignement professionnel qui tourne à l’avantage des chantiers de l’industrie privée. »

Ces observations ne sont pas sans portée : elles ont amené une proposition moins radicale, qui consisterait à autoriser un certain nombre de jeunes gens du recrutement à travailler, pendant le temps de leur service militaire, aux constructions navales. Ces jeunes gens seraient dans les chantiers de la marine au lieu d’être aux régimens ; mais ils n’obtiendraient cette faveur qu’à de certaines conditions garantissant leur aptitude à faire de bons ouvriers. Très probablement le plus grand nombre d’entre eux, après l’expiration de leur temps de service, resteraient attachés à l’industrie dont ils se seraient occupés pendant plusieurs années. Ils deviendraient ainsi les auxiliaires des ouvriers inscrits, comme les hommes du recrutement embarqués sur nos vaisseaux le sont de nos marins des classes. Ces questions en devaient faire naître une autre d’une bien plus grande importance : pourquoi n’accorderait-on pas à nos armateurs la faculté d’acheter leurs navires à l’étranger ?

Lorsqu’on a fait la réforme de notre législation commerciale, lorsque par les traités de commerce avec l’Angleterre et la Belgique on a mis notre industrie aux prises avec l’industrie de ces pays, on a reconnu qu’il était de toute justice, pour que les armes fussent égales, de donner à nos manufactures les matières premières en franchise de droits. Comment ne procéderait-on pas de même à l’égard de notre marine marchande, si on veut la livrer à la concurrence des pavillons étrangers ? Pour elle, la matière première, c’est le navire ; il faut qu’elle puisse se le procurer aux meilleures conditions possibles. Aujourd’hui un navire étranger ne peut être francisé que moyennant 25 francs par tonneau de jauge, s’il est en bois, et 70 francs, s’il est en fer. Qu’on supprime ce tarif ; outre l’économie qui en résultera pour nos armemens, nous aurons la possibilité d’affecter des constructions spéciales à des opérations spéciales, comme les navires du Canada, qui, quoique de peu de durée, peuvent rendre des services réels, si leur destination est bien choisie. Cette mesure n’aura rien d’injuste quand de leur côté nos constructeurs pourront introduire en franchise de droits les matières nécessaires aux constructions navales, et qu’on les aura délivrés d’une partie des entraves qui gênent leurs rapports avec les ouvriers.

Cette opinion, soutenue par la plupart de nos armateurs, est vivement combattue par les constructeurs. Notre commerce maritime emploie principalement, disent-ils, des bâtimens de médiocre qualité ; or, pour cette classe de navires, ils sont hors d’état de lutter contre les constructions étrangères. Et dans quel moment veut-on