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du littoral à un autre point du territoire français, ou qu’elle ait pour destination un port étranger de l’Europe. D’après cette méthode, l’intercourse avec tous les états européens se trouve compris dans le cabotage. L’administration au contraire classe dans la marine au long cours tous les voyages d’un port de France à un port étranger. De là des appréciations bien différentes sur le mouvement de notre marine marchande. Elle est en progrès, comme le dit M. le ministre du commerce, si on calcule le nombre des navires qui entrent et sortent de nos ports, sans tenir compte de leur destination ; elle est en décadence, si, comme le font les armateurs, on ne compte que les armemens pour de grandes distances. Dans ces dernières années, l’intercourse avec les pays d’Europe, notamment avec l’Angleterre, a pris un grand développement par suite de l’importation des houilles nécessaires à nos usines et à nos manufactures.

Le classement adopté par l’administration nous paraît très rationnel. Tous les traités que nous avons conclus, moins un, réservent à notre pavillon le cabotage, c’est-à-dire la navigation de port à port français. Tout voyage pour l’étranger, n’étant pas compris dans l’exception, n’est donc pas cabotage. Cependant peut-on considérer comme navigation au long cours celle qui a pour but nos rapports avec l’Angleterre, la Hollande, la Prusse et l’Italie ? Non sans doute. On résoudrait cette difficulté de statistique en créant une troisième classe, sous la rubrique de grand cabotage.

D’après l’administration des douanes, le cabotage, qui ne comprenait pas l’intercourse européen, de 1830 à 1836, était en moyenne de 2,288,000 tonneaux. Il s’est élevé en 1860 à 2,919,000 tonneaux, ce qui donne d’une période à l’autre un accroissement de 27 pour 100[1]. C’est un bien faible progrès dans un espace de temps aussi considérable ; mais il serait juste de l’augmenter du chiffre de l’intercourse avec les états européens, que l’on fait figurer dans la navigation au long cours, et de réduire celle-ci dans les mêmes proportions, pour avoir une idée exacte des deux branches de notre mouvement maritime. Il serait alors plus facile de s’entendre.

La cause de souffrance de notre cabotage est connue de tout le monde : c’est la concurrence des chemins de fer. Nos voies ferrées s’étendent chaque jour davantage et relient les ports avec les centres d’industrie et les marchés de consommation les plus importans. Elles compensent par la célérité et l’exactitude le bon marché des voies navigables pour le transport des marchandises. Les armateurs de la Bretagne et des Côtes-du-Nord sont prêts à se reconnaître vaincus et annoncent la ruine très prochaine de leur industrie. Il

  1. Rapport de M. Rouher.