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constructions qui frappent le plus les regards. Ce n’est pas qu’il se manifeste par quelqu’une de ces découvertes qui font date dans l’histoire industrielle, non ; à l’heure qu’il est, le travail de l’esprit de recherche consiste plutôt dans un effort opiniâtre pour arriver à une perfection plus grande. La diversité des combinaisons n’en prouve que mieux que les chemins de fer sont bien, je le répète, la branche des applications scientifiques de notre temps où éclate le plus ce désir de conquêtes dans le domaine de l’inconnu qui caractérise l’invention en général, ea vis quæ investigat occulta inventio dicitur. Seulement, curieuse circonstance, cette force intime qui pousse l’esprit de l’homme vers l’inconnu procède avec un ordre singulier dans ses rapports avec l’industrie. Si l’on consulte, comme nous avons eu nous-même l’occasion de le faire il n’y a pas encore bien longtemps, toutes les manifestations de l’esprit industriel depuis l’institution des brevets d’invention, c’est-à-dire depuis la fin du siècle dernier, on arrive à constater que les recherches des inventeurs se concentrent successivement par période avec une préférence marquée sur un même genre d’objets. Eh bien ! depuis une quinzaine d’années déjà, ce sont les chemins de fer qui ont le plus fourni aux investigations de ce genre. L’exposition de Londres confirme avec éclat cette observation ; nous pourrions en outre invoquer en témoignage les annales officielles des brevets d’invention, monument considérable que dressent patiemment chaque année des mains laborieuses et expérimentées, et qui comprendra bientôt deux cents volumes in-quarto. Sans doute, dans la masse d’élucubrations qui s’y rencontrent, celles qui touchent aux chemins de fer comme les autres, il serait possible de relever bien des faux calculs, bien des illusions, et même de ces affirmations fallacieuses dues à de prétendus inventeurs à qui l’on pourrait appliquer ce mot d’un écrivain de l’antiquité à propos de certaines investigations de son temps : cibum quæstumque ex mendaciis captantes[1]. La part faite à ces écarts, il reste une place immense aux élémens utiles. Là comme partout, l’activité des recherches demeure la condition suprême du progrès, la source intarissable des résultats propres à donner satisfaction aux besoins existans comme à ceux qui surgissent chaque jour.

Tous les peuples civilisés sont à l’œuvre dans la vaste carrière ; nulle part les recherches ne se poursuivent en ce moment avec plus de vigueur et de suite que sur le continent européen. Les deux pays qui furent pour ainsi dire les premiers pionniers dans ces grandes entreprises, l’Angleterre et les États-Unis, avaient d’abord mis en évidence toutes les ressources que recèlent le principe de l’association et l’esprit industriel pour l’achèvement d’œuvres aussi colossales.

  1. « Cherchant dans de mensongères découvertes le moyen de vivre et de s’enrichir. » — Aulu-Gelle, Nuits attiques.