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excellentes lois napolitaines n’en offraient aucune, car elles étaient incessamment violées sous le gouvernement des Bourbons.

On a vivement reproché au cabinet de Turin d’avoir agi trop précipitamment, ce qui a donné à son œuvre d’unification italienne plutôt l’aspect d’une annexion que d’une fusion. Le reproche ne manque pas de justesse, et peut sembler mérité à ceux qui ne considèrent pas en présence de quelles difficultés diplomatiques le Piémont se trouvait placé. Là gît certainement le secret de la hâte, peut-être excessive, qu’il a déployée dans ces graves circonstances. Les gouvernemens étrangers étaient en droit de lui dire : « Nous ne croyons pas à l’unité italienne, car tous les petits états de l’ancienne Italie, quoique réunis en apparence sous le sceptre de Victor-Emmanuel, n’en ont pas moins gardé leurs lois et leurs coutumes particulières. Ces diverses provinces forment plutôt un groupe d’états juxtaposés qu’un seul et même état, comme vous voulez nous le faire croire. » L’objection était sérieuse et menaçait, si elle n’était promptement résolue, de prolonger des difficultés considérables. Le cabinet de Turin a donc sagement agi en hâtant l’œuvre d’unification, en donnant le même régime à toutes les provinces qui s’étaient offertes au roi Victor-Emmanuel, régime qu’il connaissait et maniait de longue date, régime supérieur dans son ensemble aux gouvernemens qu’il remplaçait, puisqu’il s’appuie sur le statut, qui garantit la liberté constitutionnelle. Toutes les réformes désirées, toutes les sages aspirations auront leur jour, et découleront forcément de la large et sûre liberté sous laquelle l’Italie vit maintenant, et par laquelle aussi elle se régénère.

Dans les provinces méridionales, le cabinet de Turin a certainement pu commettre des fautes et se laisser entraîner à quelques maladresses ; mais que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ! Quand on songe » que le Piémont de 1850 est devenu l’Italie d’aujourd’hui, quand on considère la grandeur des résultats obtenus, on reste surpris comme devant un fait providentiel. Il a rencontré des difficultés ; mais elles sont toujours restées inférieures à la force qui les combat, et cette force est l’idée unitaire, représentée par cette classe moyenne, intelligente, libre, dévouée, qui sera la gloire de l’Italie comme elle en a été le salut, surtout si elle se pénètre profondément de ses devoirs, si elle comprend qu’elle n’est que la dépositaire des améliorations apportées par le régime actuel, si elle comprend qu’elle doit le faire servir à l’élévation de la nation entière, et non pas à son propre et égoïste accroissement. L’histoire d’un pays voisin offre à ce sujet à la bourgeoisie italienne un exemple qui mérite d’être longuement médité. Dans l’ordre moral, un pas immense a déjà été fait : l’idée de patrie s’est substituée à l’idée d’autonomie, qui n’est que du municipalisme déguisé ; le municipalisme