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profondément d’accord avec lui, qu’à la nation italienne, et moins aux Italiens qu’à l’Europe tout entière. C’est dans la collection récemment publiée qu’il faut les relire, car là on les trouve assez complets.

Dans ces discours, où la bonne foi de M. de Cavour ne saurait, suivant nous, être mise en doute, il déclare, au sujet de la question romaine, ses véritables intentions tant à l’égard de la France que du souverain pontife. Rappelons-en, quoiqu’ils soient en partie connus, les plus saillans passages.


« Il faut que nous allions à Rome, mais à ces deux conditions : que ce soit de concert avec la France, et que la grande masse des catholiques, en Italie et ailleurs, ne voie pas dans la réunion de Rome au reste de l’Italie le signal de l’asservissement de l’église. Il faut, en d’autres termes, que nous allions à Rome sans que l’indépendance du souverain pontife en soit diminuée. Il faut que nous allions à Rome sans que l’autorité civile étende son pouvoir sur le domaine des choses spirituelles. Voilà les deux conditions qui doivent se réaliser pour que notre entrée à Rome ne mette point en péril les destinées de l’Italie

«….. Mais j’irai plus loin : lors même que, par suite d’événemens que je ne crois ni probables ni même possibles, la France se trouverait réduite à une telle situation qu’elle ne pût matériellement s’opposer à notre entrée dans notre capitale, nous ne devrions point réaliser la réunion de Rome à l’Italie, s’il devait en résulter un grave dommage pour nos alliés.

« Nous avons contracté, messieurs, une grande dette de reconnaissance envers la France. Je ne prétends certes point qu’il faille appliquer aux rapports internationaux les règles strictes de moralité qui doivent présider aux relations individuelles ; cependant il y a des préceptes de morale que les nations elles-mêmes ne sauraient violer impunément

«….. Nous avons encore, messieurs, un motif plus grave de nous mettre d’accord avec la France. Quand nous avons appelé en 1859 la France à notre aide, quand l’empereur consentit à venir en Italie à la tête de sa vaillante armée, il ne nous dissimula point les engagemens dont il se tenait pour lié envers la cour de Rome. Nous avons accepté son aide sans protester contre les obligations qu’il nous déclarait avoir assumées ; après avoir tiré de cette alliance tant d’avantages, nous ne pouvons pas protester contre des engagemens que jusqu’à un certain point nous avons admis.

« Mais alors, me dira-t-on, la question romaine est insoluble ?

« Je réponds que, si nous réussissons à réaliser la deuxième des conditions dont j’ai parlé, la première rencontrera peu d’obstacles, c’est-à-dire que si nous pouvons faire en sorte que la réunion de Rome à l’Italie n’inspire pas de craintes graves au monde catholique, — et j’entends par là cette grande masse de personnes de bonne foi qui professent les dogmes religieux par un sentiment vrai et non point par calcul politique, cette grande masse que n’aveuglent pas de vulgaires préjugés, — si nous arrivons, dis-je, à persuader à la grande majorité des catholiques que la réunion