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qu’au point de maturité où la question de Rome est arrivée, nous sommes d’avis que le pays devrait être sincèrement et largement consulté dans des élections générales.

Nous savons que ceux qui réclament avec le plus d’instances une solution de la question romaine, soit dans le sens légitimiste, soit dans le sens de la révolution, ne s’inquiètent guère de faire intervenir solennellement le pays dans la décision : ils font surtout appel à l’initiative impériale ; c’est à un acte d’autorité de l’empereur qu’ils demandent ou la conservation du pouvoir temporel au risque de la destruction de l’Italie et de la confusion de la France, ou l’abandon de Rome au péril de la souveraineté politique des papes et de l’ébranlement des habitudes et des sentimens catholiques. Que l’empereur accomplît l’acte d’autorité qu’on lui demande pour faire prévaloir la solution à laquelle nous sommes dévoués, nous ne serions plus alors, quant à nous, qu’en présence d’un fait conforme à nos vœux ; l’appréciation et la discussion des moyens employés pour produire ce fait nous échapperaient et ne seraient plus de saison. Nous nous trouverions en face d’un résultat dont nous n’aurions plus qu’à tirer profit ; mais en principe nous pensons que, dans une question comme celle-là, où sont compromis le repos, l’honneur, la logique et la conscience de la France, la bonne solution ne peut venir de la volonté d’un seul et procéder d’un acte dictatorial ; nous sommes persuadés qu’elle ne peut légitimement et sûrement émaner que de la raison nationale. En fait, nous allons plus loin : nous ne sommes pas de ceux qui reprochent à l’empereur ce qu’ils appellent son indécision dans la question romaine. Cette indécision, nous la comprenons dans un homme, quelle que soit l’idée que l’on ait ou qu’il puisse avoir lui-même de sa puissance. Nous l’avons déjà déclaré et nous le répéterons volontiers, si l’on veut être juste, on doit reconnaître que les perplexités de l’empereur sont bien naturelles. Il ne s’agit plus, dans le parti qu’il faut prendre aujourd’hui, de témoigner d’un attachement abstrait à la révolution ou d’une sympathie générale pour l’église catholique, attachement et sympathie qui, dans la région des abstractions et des généralités, se peuvent accorder sans peine : il s’agît au contraire de se prononcer directement pour l’une et directement contre l’autre. Il faut dire : Je ne veux pas que l’Italie se constitue dans l’unité, parce que je veux que les papes demeurent souverains de Rome en vertu d’une légitimité qui nie les droits des peuples ; ou bien il faut dire : Je veux que l’Italie existe dans la forme qu’elle a choisie, et je veux pour cela que la papauté n’ait plus de royaume en ce monde. Il faut consentir non-seulement pour soi-même, mais, quand on est un souverain dynastique, pour sa race, à lier son nom ou à un nouvel avortement de l’Italie, ou à la ruine de la plus ancienne institution politique et religieuse de l’Europe. Sur la portée de l’une ou l’autre résolution, plus d’ambiguïté, plus d’équivoque possible. Devant cette énorme et double responsabilité, devant cette inévitable alternative, comment n’hésiterait-on