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combinées en vue principalement du demi-raccourci qu’elles devaient présenter au spectateur placé en dehors de la chapelle. Rien de mieux, puisque, de ce côté, un heureux résultat a été obtenu, et que d’ailleurs la disposition des lieux et de la lumière autorisait les préférences du sculpteur pour ce point de vue un peu oblique. Fallait-il toutefois y subordonner si bien les autres aspects que certains détails perdissent leur finesse, leur opportunité même, là où ils se modèleraient dans un sens moins explicitement recommandé au regard ? Certains partis-pris devaient-ils servir à résoudre la première moitié du problème, au risque de laisser la seconde douteuse ou inutilement compliquée ? Ainsi le grand pli transversal de la soutane qui va de la hanche droite au genou gauche pouvait avoir cet avantage d’aider au raccourci des formes et de définir avec netteté le mouvement. Vu de la place où nous supposons que M. Debay voudrait surtout qu’on s’arrêtât, c’est-à-dire du bas côté de l’église, il est en parfaite harmonie avec les lignes avoisinantes, parce que celles-ci, en s’enroulant les unes dans les autres, semblent continuer l’intention qu’il exprime et se mouvoir dans une direction analogue ; mais, lorsqu’on examine la statue en face, l’unité de l’aspect n’existe plus, et l’œil s’étonne de cette ligne violente qui s’interpose brusquement entre le haut et le bas du corps. Ailleurs au contraire, — et ce défaut est surtout sensible dans le bras qui agite la branche d’olivier, — le modelé, à force de prétendre à la largeur, s’arrondit jusqu’à la mollesse, ou se simplifie jusqu’au vide. Enfin le bas-relief sculpté sur le devant du sarcophage et représentant le commencement de la scène dont on lit plus haut le dénoûment, ce bas-relief est traité avec une négligence évidemment calculée, mais que n’autorisaient suffisamment, à notre avis, ni plusieurs exemples anciens, invoqués peut-être par le sculpteur, ni certains sacrifices nécessaires pour assurer à la statue une importance principale.

À quoi bon insister au surplus sur ces imperfections de détail ? Après les avoir analysées une à une il faudrait, pour être juste, relever aussi chaque mérite partiel, chacune des qualités qui recommandent tel ou tel fragment du travail ; il faudrait, entre autres morceaux d’élite, signaler la draperie à côté des pieds, le bras reployé qui soutient le corps sans abandonner le crucifix, et surtout les mains, où le sentiment est aussi expressif que l’exécution matérielle est délicate. Un semblable examen toutefois mènerait loin le lecteur et la critique. De peur de n’aboutir qu’à la fatigue ou de s’attarder en chemin, le mieux sera de s’en tenir aux appréciations générales.

Le monument dédié à la mémoire de l’archevêque de Paris, ou plutôt la statue à laquelle ce monument un peu simple ne sert guère que de piédestal, est un spécimen considérable de ce que la sculpture nous doit et se doit à elle-même dans la représentation des sujets contemporains. Exempt d’ostentation archaïque comme d’affectation à reproduire les vérités vulgaires, le ciseau de M. Debay ne parodie pas plus les formules grecques ou romaines qu’il n’entre en complicité avec les jactances du naturalisme moderne. Sans doute il sait se souvenir des grands exemples, sans doute il sait aussi le respect dû aux enseignemens de la réalité ; mais il n’exagère, fort heureusement pour nous, ni cette mémoire du passé jusqu’à la manie