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dans cette grande affaire, mais il n’était d’ailleurs, dans son empressement, que le représentant naturel des catholiques anglais, encore plus ardens que le roi Jacques à désirer que le prince de Galles épousât une princesse catholique, Espagnole ou Française, et à s’assurer ainsi en Angleterre une protection efficace. Le rapport et l’offre du moine plurent à Marie de Médicis et encore plus à son conseiller intime Richelieu, tout récemment cardinal, tout-puissant auprès d’elle, prompt à démêler les moyens de le devenir dans l’état, et habile à se servir, pour grandir, de tous les instrumens qui se rencontraient sous sa main. Le moine partit pour Londres encouragé, pourvu d’argent, et avec ordre, dès qu’il aurait quelque nouvelle à donner, de la faire parvenir à la reine-mère en adressant ses lettres à Mme de Malissy.

Peu de temps après, un messager de tout autre sorte, nullement chargé de parler de mariage, et qui n’avait d’autre mission que de plaire au roi Jacques en se servant d’un de ses goûts favoris, un gentilhomme fauconnier se rendit aussi à Londres, amenant au roi d’Angleterre, de la part du roi de France, quinze ou seize couples de faucons, dix ou douze chevaux et autant de chiens d’arrêt. « Il fit à Londres uns entrée magnifique avec tout son cortège en bon ordre et à la lueur d’une multitude de torches, ce qui donna beaucoup d’éclat à cette démonstration, et fit briller l’homme lui-même, dont la mine était élégante et vaillante. On admira beaucoup ses faucons, qui se lançaient ardemment à la poursuite de toute sorte de gibier. » L’art des petits soins et des flatteries lointaines n’est point dédaigné des grands ambitieux et pour les grands desseins. Le roi Jacques reçut avec joie ces indirectes et subalternes ouvertures : non qu’il ne regrettât encore le mariage espagnol et qu’il y eût absolument renoncé, mais il n’y comptait plus; il prévoyait quels seraient le vœu et le résultat du parlement près de se rassembler; il se plaisait d’ailleurs aux intrigues doubles, et, mobile autant que rusé, s’il réussissait dans le mariage de Paris, il se consolait sans peine de son échec dans celui de Madrid. Vers la fin de janvier 1624, il réunit ses principaux conseillers et leur demanda sur la question leur dernier avis. Cinq tinrent bon pour l’alliance espagnole; quatre se dirent indécis et neutres; trois, entre lesquels le duc de Buckingham, se prononcèrent contre Madrid. On sut bientôt que le prince de Galles était vivement de ces derniers, ce qui décida quelques-uns des neutres à s’y ranger, et quelques jours après ce conseil le roi Jacques, sans se déclarer ouvertement, fit partir pour Paris lord Kensington, le chargeant d’aller sonder les dispositions du roi de France, de la reine-mère, de leurs conseillers, et de leur faire entrevoir les siennes.

L’envoyé convenait à sa mission. Lord Kensington était un cour-