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réjouir de la favorable réponse que le roi avait faite à son parlement et lui témoigner qu’encore qu’elle eût été prononcée par une autre bouche que la sienne, néanmoins je la connaissais bien être un effet de sa conduite, de sa prudence et de ses bons conseils. De quoi il me remercia grandement, pour le gratter où il lui démangeait. Après il me dit qu’il avait dépêché vers M. de Kensington pour lui donner part de ladite déclaration, et lui ordonner qu’il essayât maintenant de pénétrer un peu plus avant dans l’intention de sa majesté et dans les conditions que demanderait la France pour le mariage de Madame Henriette et de M. le prince de Galles, disant qu’après on enverrait quelque cavalier, habile homme, pour assister M. Rich (lord Kensington) en cette affaire. Ce discours ne m’ayant nullement agréé, je lui répliquai qu’il ne pensait pas que sa majesté ni son conseil eussent si peu de conduite que de vouloir entrer au fond de cette affaire sans voir une bonne et ample commission avec toutes les formes requises et nécessaires. »

Le même jour 9 avril 1624, le comte de Tillières ajouta en post-scriptum : « Depuis ma grande dépêche fermée, M. le comte de Carlisle m’est venu voir, lequel m’a fait entendre qu’il a commandement de se tenir prêt pour s’acheminer en France. Il ira en poste dans dix ou douze jours, et fera suivre son train. Il porte deux commissions, l’une pour une ligue avec la France, et l’autre pour le mariage, auquel il est nommé, et M. Rich (lord Kensington) aussi, comme ambassadeur extraordinaire. Je suis fort aise de cet envoi, parce que ledit comte de Carlisle est homme de qualité et de mérite, et outre fort affectionné à cette affaire. Outre que cela me lève plusieurs doutes, tant de la part du roi d’Angleterre que du marquis de Buckingham.»

Quoique favori émérite et courtisan épicurien plus que politique, le comte de Carlisle avait, auprès de son roi et dans son pays, plus de poids que lord Kensington; il ne manquait ni de dignité et d’indépendance à la cour, ni de ménagement et même de sympathie pour le parti puritain et populaire. Après son voyage à Madrid pendant le séjour du prince de Galles, il avait paru un moment partisan de l’alliance espagnole, « tout Castillan » (todo Castillano), disait de lui le roi Jacques; mais il était bientôt rentré dans le sentiment national de l’Angleterre, et il avait vivement opiné, dans le conseil du roi, pour la rupture du mariage espagnol. Comme je l’ai dit, il avait déjà été chargé huit ans auparavant, en 1616, de rechercher l’alliance française et la main de la seconde fille de Henri IV; quand on le vit partir, comme ambassadeur extraordinaire, pour aller traiter du mariage du prince de Galles avec la troisième, on regarda la négociation comme sérieuse, et on en augura le succès.

Il la trouva, à Paris, entre les mains d’un homme bien plus sérieux et bien plus décidé que lui. Le cardinal de Richelieu était ren-