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besoin, ou qu’il croirait lui-même utiles à sa mission. Il fallait aussi, ajouta le pape, qu’il lui arrivât à cette occasion une supplique du clergé catholique d’Angleterre, afin que, lorsqu’il en viendrait à accorder la dispense, il eût de quoi fermer la bouche aux gens qui seraient tentés de l’en blâmer.

La supplique anglaise ne se fit pas attendre. Le père de Bérulle eut avec le pape un second entretien dans lequel il le trouva toujours favorable; mais quand la congrégation, formée de sept cardinaux, se réunit, les intrigues espagnoles reprirent leur cours, les objections et les exigences s’élevèrent, la majorité des cardinaux parut contraire à la dispense. Urbain VIII se montra ébranlé. « La France, dit-il au père de Bérulle, aurait pu proposer et obtenir de l’Angleterre des articles plus avantageux pour l’église catholique que ceux auxquels elle avait accédé. Pourquoi n’avait-elle pas demandé ceux que l’Angleterre avait accordés à l’Espagne? Ceux-là étaient bien préférables. » Le père de Bérulle n’eut pas de peine à répondre : « L’Espagne, dit-il, n’avait exigé ces conditions que lorsqu’elle avait vu la négociation près de se rompre, et l’Angleterre ne les avait accordées que pour retirer de Madrid le prince de Galles. » Et comme le pape insistait, vantant toujours la foi espagnole : « Si nous voulons faire comme l’Espagne, reprit vivement Bérulle, comme elle nous perdrons tout. »

L’ambassadeur de France vint en aide au prêtre français. « Le roi mon maître, dit tout haut le comte de Béthune[1], a obtenu de l’Angleterre tout ce qu’il pouvait; il ne se faut attendre à de plus grandes conditions, ni les mesurer à l’aune d’Espagne; j’ai défense de dépêcher aucun courrier que pour donner avis de la concession de la dis- pense, car autrement on irait demandant après une chose une autre. »

Ce ferme langage ne manqua point son effet : il fut puissamment confirmé par la résolution prise à Paris, — et aussitôt accomplie par les négociateurs, — de signer, sans attendre la dispense, les articles préliminaires déjà convenus et acceptés des deux cours. Cette signature eut lieu le 20 novembre 1624. Quand la nouvelle en arriva à Rome, la congrégation des cardinaux se réunit aussitôt pour la troisième fois[2], et il y fut résolu que la dispense serait accordée.

« Cette cour, écrivit Bérulle qui avait assisté aux trois séances, a sa conduite et ses principes bien différens de ce qu’on en jugerait avant de l’avoir éprouvé soi-même; pour moi, je confesse en avoir plus appris en peu d’heures, depuis que je suis sur les lieux, que ce que j’en savais par tous les discours qui m’avaient été faits. Le cadran qu’on regarde continuellement dans ce pays-ci, c’est la pro-

  1. Dépêche du comte de Béthune au cardinal de Richelieu, du 22 octobre 1624. (Archives des affaires étrangères de France.)
  2. Le 1er décembre 1624.