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le théâtre dressé pour le mariage, M. le duc de Chevreuse, vêtu d’un habit de drap noir tout coupé et doublé de toile d’or, avec une toque aussi de velours noir orné d’une enseigne de diamans, une écharpe toute couverte de roses de diamans, un capot tout brodé d’or et orné de pierreries. Et MM. les comtes de Carlisle et de Holland, ambassadeurs extraordinaires, tous deux couverts de toile d’argent battu, avec la toque, marchaient aux deux côtés dudit sieur duc de Chevreuse. Un quart d’heure après, le roi s’y achemina en cet ordre. » Le journal énumère et décrit avec détail le cortège du roi, « lequel, avec un habit en broderie d’or et d’argent, tenait à sa main droite Madame sa sœur, reine de la Grande-Bretagne, et Monsieur, frère du roi, la tenait de sa main gauche, aussi superbement vêtu. Ladite reine de la Grande-Bretagne avait sa couronne sur sa tête... Cette troupe royale étant arrivée sur le théâtre préparé pour faire le mariage, le roi et Monsieur son frère mirent la reine de la Grande-Bretagne, leur sœur, entre les mains de M. le duc de Chevreuse, et alors le cardinal de La Rochefoucauld les épousa selon les cérémonies ordinaires de l’église, lesquelles parachevées, on entra en même ordre que dessus dans l’église Notre-Dame, excepté que M. le duc de Chevreuse et MM. les deux ambassadeurs du roi de la Grande-Bretagne marchaient devant le roi. Étant tous arrivés à la porte du chœur, lesdits sieurs duc de Chevreuse et ambassadeurs firent de grandes révérences au roi et aux reines, puis s’en allèrent à l’archevêché durant que l’on dirait la messe, » à laquelle le représentant d’un roi protestant et ses ambassadeurs ne devaient pas assister. « La messe parachevée, lesdits sieurs duc de Chevreuse et ambassadeurs extraordinaires se rendirent à la porte du chœur pour reprendre leur rang au retour que feraient leurs majestés de l’église à l’archevêché,... en la salle duquel se fit le festin royal en aussi grande magnificence qu’il se peut dire, cependant que les feux de joie se faisaient par tout Paris en signe de la réjouissance de ce mariage, et que les coups de canon et de boîtes faisaient un tel bruit qu’il semblait que la terre et le ciel se voulaient joindre ensemble. »

La cérémonie et les premières fêtes terminées, le duc de Buckingham partit de Londres pour venir chercher à Paris la nouvelle reine d’Angleterre, et l’emmener à son mari et dans son royaume. Cette mission était pour lui un grand triomphe. Il avait, deux ans auparavant, traversé Paris en secret, allant, avec son prince, poursuivre à Madrid une autre alliance : la galanterie royale n’avait pas réussi, et la fortune du favori en avait paru gravement compromise ; mais il s’était avec hardiesse et souplesse dégagé de ce péril. En poussant à la rupture du mariage espagnol, il était devenu populaire parmi les puritains eux-mêmes; le roi Jacques, quoique mécontent, n’avait pas voulu ou n’avait pas osé lui retirer sa faveur; il la con-