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l’empire sauva Rome en y centralisant la puissance publique anéantie par les factions à la veille de l’invasion des Barbares. Chacun de ces grands noms correspond à une grande idée aussi indestructible que leur gloire dans le souvenir des bommes. Je ne serai contredit par personne en disant qu’une donnée aussi lumineuse est loin de se dégager de l’épopée impériale. Le dernier chant de celle-ci est à peine clos par un immense désastre que le siècle prend en effet un cours exactement contraire à celui que l’empire entendait lui imprimer. Devenue pacifique, industrielle et libérale, la France semble s’attacher avec ardeur à des institutions toutes différentes de celles qu’il lui avait données, de telle sorte que rien n’aurait plus subsisté du drame gigantesque achevé à Waterloo et transfiguré sur le calvaire de Sainte-Hélène, si, par un concours d’événemens aussi imprévus que merveilleux, le second empire n’était sorti tout à coup, comme l’épilogue d’un poème cyclique, des souvenirs légendaires laissés par le premier.

De ce chaos de tentatives grandioses et de résurrections fantastiques je ne réussis donc pas, si grande bonne volonté que j’y mette, à dégager l’une de ces idées vraies et simples, phares lumineux de l’histoire. C’est ailleurs qu’il faut, à mon avis, aller chercher la signification du « système politique qui triompha au 10 décembre, puisque le nom de Napoléon est à lui seul tout un programme. » Lorsque « la France cherche la main, la volonté, le drapeau de l’élu du 10 décembre[1], » elle peut rencontrer beaucoup plus de lumière dans les écrits mêmes de celui-ci que dans les plans formés par le glorieux fondateur du premier empire. La législative avait sous les yeux ces écrits-là, fruits et consolations d’un laborieuse captivité; c’était là qu’il aurait fallu étudier à ses sources véritables l’idée napoléonienne, qui défrayait alors la polémique. En les méditant, en les rapprochant surtout de graves et récentes manifestations, l’assemblée aurait pu, bien avant le coup d’état, mesurer l’abîme qui séparait dès lors les aspirations des deux pouvoirs. C’est encore là qu’il importe aujourd’hui de rechercher la pensée à laquelle semble suspendu le sort des deux mondes depuis qu’un ministre a fait savoir à la France la prochaine application aux populations du Mexique du nouveau droit public dont l’intervention impériale a procuré le bénéfice aux populations de l’Italie[2]. Or l’idée parlementaire à laquelle adhérait si ardemment l’assemblée était précisément le contre-pied de l’idée napoléonienne telle qu’elle avait apparu au prisonnier de Ham dans les obscurités de sa vie, telle qu’elle s’irradiait pour lui à l’aube de ses prospérités naissantes. Selon cette dernière doctrine,

  1. Message du président de la république à l’assemblée législative (31 novembre 1849).
  2. Moniteur, discours de M. Billault (séance du 26 juin 1862).