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Ils allongent leurs cous balancés lentement,
Comme pour imiter par ce balancement
L’inexorable ennui des vastes solitudes.
Là-bas, ô voyageur, que hâle le soleil.
Tu te reposeras des jours chauds, des nuits rudes,
Tu baigneras ton cœur dans l’onde du sommeil;
Sous l’ombre des palmiers, d’où pleut l’extase douce.
Oublieux de la mort et couché sur la mousse.
Tu rêveras sans doute aux sables qu’Azraël,
L’ange noir, a couverts d’un silence éternel.
Voyageur, marche, marche! une heure encor! courage!
Vois au loin l’oasis luire comme un jardin;
N’en sens-tu pas les fleurs? Horreur! c’est un mirage.
C’est un jeu du soleil qui s’efface soudain.
Traverse, résigné, l’immobilité morne,
Triomphe du désert, mer stérile et sans borne,
Sans songer que demain peut-être d’âpres vents.
Soulevant jusqu’aux cieux ses vagues de poussière,
Engloutiront, meurtrie à ces souffles mouvans.
Dans un même tombeau la caravane entière.

Le pauvre voyageur, c’est l’homme! et le désert.
C’est notre vie, amer et décevant voyage.
Où nous voyons s’enfuir, comme dans un mirage.
L’oasis du bonheur et le feuillage vert.


VI. — LE RETOUR.


De ses émotions quand la source est tarie.
L’homme qu’un noir chagrin chasse de sa patrie
Tente, le sac au dos, le caprice des mers,
Et, pour bercer son deuil et ses soucis amers.
Sinistre pèlerin qui dévore les lieues.
Sous des cieux irrités ou sur des vagues bleues.
Il suit le dur sillon que trace le vaisseau.
Pour demander au monde un spectacle nouveau.
Mais, las des longs détours d’une vaine odyssée.
Comme le goéland, l’aile à demi blessée,
Au foyer paternel il revient tout songeur.
Ta mère est-elle morte, imprudent voyageur?
Les retrouveras-tu, ceux qu’aima ta jeunesse?
Leur as-tu rapporté la joie ou la tristesse?
Seras-tu dans leurs cœurs toujours le bienvenu?
Ne se diront-ils pas : — Quel est cet inconnu