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L’ILE DE CAPRI
SOUVENIRS DU GOLFE DE NAPLES

Vers le milieu du mois de mai 1862, à Naples, je prenais place, un matin, dans un wagon de chemin de fer. Je venais d’observer la vie moderne dans toute sa violence, dans toute sa mobilité pittoresque; je voulais maintenant contempler l’Italie méridionale sous d’autres aspects et lui demander ce qu’elle a gardé de la vie antique. C’est vers l’île de Capri que je me dirigeais.

Le train mit une heure à me conduire à Castellamare, où, après avoir été tiré pendant vingt minutes à trente cochers qui se disputaient l’honneur de me transporter, je pus prendre enfin une voiture attelée de trois chevaux empanachés de plumes de faisan qui partirent à bonne vitesse sur la route de Sorrento. Je ne dirai rien de cette route, que tout le monde connaît, qui surplombe en corniche une mer plus bleue que le ciel, et où chaque détail est une merveille. Les citronniers et les orangers avaient encore quelques fleurs dont le parfum se mêlait aux senteurs de la brise imprégnée de l’acre odeur des goémons. A Sorrento, je déjeunai sur la terrasse de je ne sais plus quelle auberge pendant que des musiciens ambulans, accourus au seul bruit de la voiture, me donnaient un concert en écorchant à qui mieux mieux les airs de Verdi et de Mercadante. Les hirondelles voletaient autour de moi et semblaient se mêler à des bandes de pigeons qui passaient le long de la falaise. Il y a des hirondelles à Baïa, il y en a à Portici : pourquoi n’en voit-on jamais une seule à Naples ? C’est une question que je livre aux naturalistes.

Je descendis un escalier à pic qui rampe aux flancs du rocher pour déboucher sur le rivage par une voûte de construction antique, et j’arrivai jusqu’à la mer, où m’attendait une lancia manœuvrée