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heure d’une pension annuelle de 92 livres sterling qu’elle reçoit, dit-on, du gouvernement anglais. Quelle est la vérité sur Hudson Lowe? est-elle bien ce qu’on avait intérêt à dire autrefois? J’ai lu ses mémoires, on sent un pauvre esprit, étroit et mesquin, un esprit de caporal esclave de sa consigne, épouvanté de la responsabilité qui l’écrase, ne comprenant que la lettre des instructions qu’on lui envoie, n’osant pas en dégager l’esprit, et préparant, à force de niaiseries, les matériaux à l’aide desquels on a depuis édifié la légende. Cependant il est un fait qui m’a toujours fait songer et qui prouve que le geôlier ne se trouvait guère plus heureux que le captif. Je copie textuellement; la scène se passe le 6 mai 1821 au matin : « Eh bien! messieurs, dit sir Hudson Lowe au major Gorrequer et à M. Henry, tandis qu’ils se promenaient devant la porte de Plantation-House, parlant de l’illustre mort, c’était le plus grand ennemi de l’Angleterre et le mien aussi; mais je lui pardonne tout. »

Sir Hudson Lowe, lieutenant-colonel alors, était commandant supérieur des forces anglaises qui occupaient Capri depuis que l’amiral Sydney Smith s’en était emparé par le hardi coup de main de 1803. A côté des anciennes fortifications réparées, on en avait construit de nouvelles; treize batteries protégeaient les abords de l’île ; des défenses multipliées battaient les environs de la Marine et de la Petite-Marine, les deux seuls points vulnérables par où l’on pouvait raisonnablement redouter une tentative de débarquement ; aux rochers inaccessibles on avait ajouté des murailles, pour les rendre plus inaccessibles encore. Hudson Lowe, satisfait de son œuvre, écrivait au général Stuart, commandant les armées anglaises en Sicile, que Capri, qu’il appelait orgueilleusement un petit Gibraltar, était absolument imprenable. Tout alla bien tant que régna le roi Joseph, fort occupé à réduire les brigands, qui, dans ce temps-là, étaient des armées, au lieu de n’être, comme aujourd’hui, que des bandes en haillons; mais Murat s’ennuya vite de voir les Anglais si près de sa capitale, et il donna l’ordre au général Lamarque, dont les funérailles devaient être si sanglantes, de s’emparer de Capri coûte que coûte. Pour cette expédition, qui exigeait beaucoup de célérité et une grande hardiesse, on choisit avec habileté les premiers jours du mois d’octobre, époque où généralement règnent les vents d’ouest et de sud-ouest, très propres à pousser une flotte de Naples vers Capri, et par conséquent opposés aux secours que la Sicile pourrait envoyer aux Anglais. L’événement prouva que le calcul était juste. Le général Lamarque avait pris ses renseignemens. Du reste, de la pointe Campanella, qui n’est séparée de Capri que par un détroit large d’une lieue, il avait pu étudier les travaux que les Anglais accumulaient dans l’île. Il savait, à n’en pas douter, que le débarquement à la Marine ou à la Petite-Marine n’offrait que des