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LA
POESIE MODERNE
EN ANGLETERRE

II.
LORD BYRON.


I.

Si jamais il y eut une âme violente et follement sensible, mais incapable de se déprendre d’elle-même, toujours bouleversée, mais dans une enceinte fermée, prédestinée par sa fougue native à la poésie, mais limitée par ses barrières naturelles à une seule espèce de poésie, c’est celle-là[1].

Cette promptitude aux émotions extrêmes était chez lui un legs de famille et un effet d’éducation. Son grand-oncle, sorte de maniaque emporté et misanthrope, avait tué dans un duel de taverne, à la clarté d’une chandelle, M. Chaworth, son parent, et avait passé en jugement devant la chambre des lords. Son père, viveur et brutal, avait enlevé la femme de lord Carmarthen, ruiné et maltraité miss Gordon, sa seconde femme, et, après avoir vécu comme un fou et comme un malhonnête homme, était allé, emportant le dernier argent de sa famille, mourir sur le continent. Sa mère, dans ses momens de fureur, déchirait ses chapeaux et ses robes. Quand mourut

  1. Voyez la première partie dans la Revue du 15 septembre.