Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/966

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ritoires pour celui qui les rend qu’il ne touche point de traitement. Les moyens dont il s’agit sont incontestablement l’agriculture, l’élevage des bestiaux, les professions manuelles et en général le travail[1]. »

Que dites-vous de ces paroles prononcées à Belgrade et qui peuvent avoir leur à-propos en beaucoup d’autres villes d’Europe? Rendons justice à la Porte-Ottomane : elle n’a pas soulevé de querelles diplomatiques sur les réformes intérieures que l’assemblée nationale a faites. Elle s’est contentée de les faire attaquer dans le Journal de Constantinople. Les choses n’ont pas été au-delà d’une controverse entre les écrivains de la Turquie et ceux de la Serbie.

Il y a des points pourtant sur lesquels la Porte-Ottomane contestait le droit qu’a la Serbie de réformer ses institutions intérieures. Ainsi elle réclamait contre l’organisation de U milice nationale[2], et il n’est pas difficile de comprendre ce qui dans l’organisation de cette milice chrétienne blesse le gouvernement turc, qui, malgré les solennelles promesses du hatt-humayoun de 1856, n’a pas voulu appeler les chrétiens de la Turquie au service militaire. Le gouvernement serbe repoussa vivement la prétention de la Porte-Ottomane, revendiquant hautement le droit qu’il avait de changer ses institutions intérieures et de les accommoder à ses besoins, expliquant en même temps d’une manière curieuse pour nous, peu rassurante pour la Turquie, le principe et le but de cette organisation militaire. « Vous n’ignorez pas, dit la note adressée par le ministre des affaires étrangères au chargé d’affaires de Serbie à Constantinople, l’esprit belliqueux du peuple serbe. Il est armé tout entier, et dans certaines circonstances il forme de lui-même une espèce de milice nationale. Vous n’ignorez pas non plus que ce même peuple abhorre le service régulier et la vie de caserne. » Que faire donc? Laisser à elle-même cette population armée et la dispenser comme par le passé de toute subordination et de toute discipline? Il y a là un grand danger pour l’ordre intérieur. D’un autre côté, le gouvernement, qui a déjà quelques troupes régulières, n’en a pas assez pour la défense des frontières. Il ne veut pas non plus pourtant avoir une grande armée permanente et régulière. Ici viennent quelques réflexions excellentes sur l’inconvénient des grandes armées permanentes : elles enlèvent des bras à l’agriculture, elles causent d’énormes dépenses au trésor public. L’organisation de la milice nationale prévient ces inconvéniens et suffit à tous les besoins de la Serbie. Les instincts belliqueux des Serbes sont employés et disciplinés sans être casernes; l’agriculture

  1. Archives diplomatiques, n° 10, octobre 1861, p. 154-155.
  2. La Porte-Ottomane vient tout récemment d’adresser au gouvernement hellénique une réclamation contre quelques articles de la loi sur la garde nationale en Grèce.