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garde ses travailleurs, le trésor public ne s’épuise pas, et la Serbie a des soldats toujours prêts pour sa défense.

Lorsque la Turquie essayait de mettre ainsi son veto aux réformes intérieures de la Serbie, elle tentait de changer sa suzeraineté en souveraineté. Quant aux autres querelles, elle s’est renfermée dans le cercle des traités difficultueux qu’elle a avec la Serbie; mais depuis deux ans surtout, comme le remarque une dépêche du ministre des affaires étrangères adressée au chargé d’affaires de Serbie à Constantinople, au mois de décembre 1860[1], les pachas de Belgrade se sont appliqués à aigrir les difficultés contenues dans ces traités et y ont mis « un mauvais vouloir persistant et systématique, de telle sorte que nous sommes forcés de croire que cette hostilité est moins le fait personnel de tel ou tel gouverneur que la conséquence du système politique que l’on a adopté à notre égard à Constantinople. » Et le ministre serbe ajoute d’un ton de fierté qui nous plaît : « Ce n’est pas que nous redoutions, en ce qui nous concerne, les suites de cette hostilité; mais nous voyons avec regret qu’elle enflamme des passions et des haines qu’une bonne politique devrait au contraire chercher à éteindre. » On voit que nous ne nous trompions pas quand nous reportions à quelques années les commencemens de cette hardiesse qui a rendu à la question d’Orient son caractère de crise et de péril. C’est il y a deux ans qu’a commencé en Orient le vizirat de l’Angleterre. Cette date se rencontre aussi à peu près, nous regrettons de le dire, avec notre évacuation de la Syrie, exigée par l’Angleterre, consentie par l’Europe, et que par conséquent nous ne pouvions pas refuser. Cette évacuation a plus que quoi que ce soit au monde persuadé l’Orient de l’hégémonie de l’Angleterre.

Énumérons rapidement les querelles particulières que la Turquie a fait sortir de ses traités contentieux avec la Serbie :

Séjour des musulmans en Serbie hors des forteresses. — Ce séjour est contraire aux traités, contraire au hatti-cherif de 1830, qui a réglé les rapports entre la Porte-Ottomane et la Serbie, contraire à toute administration régulière et au maintien de l’ordre. C’est à Belgrade surtout qu’est la difficulté. Il y a hors de la citadelle un faubourg qu’habitent les musulmans. Le gouvernement serbe consentait à ne pas exiger l’émigration des musulmans de ce faubourg, mais il demandait qu’ils fussent soumis aux lois serbes. La Porte a refusé cet échange de concessions.

Prétention de la Porte-Ottomane de mettre dans les forteresses des garnisons composées de troupes régulières à la place des mu-

  1. Archives diplomatiques, 1861, n° 4, avril, p. 102.