Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/973

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Monténégro a été moins heureux en 1862 qu’en 1858. Le Moniteur n’a pas parlé en sa faveur : il a été laissé à lui-même. Il ne faut pas oublier que le Monténégro est un état de 120,000 âmes. Comment pouvait-il lutter contre la Turquie, si la Turquie s’appliquait à étouffer dans le Monténégro les commencemens d’une insurrection slave, et si dans cette entreprise elle était appuyée par l’Angleterre et soutenue par l’Autriche?

Pourquoi la France en 1862 n’a-t-elle pas fait pour le Monténégro ce qu’elle avait fait en 1858? Ici nous pouvons seulement faire des conjectures. En 1858, le Moniteur déclarait que la Turquie n’avait jamais possédé le Monténégro assez longtemps pour légitimer la conquête par la durée. Il y avait eu des incursions, tantôt victorieuses, tantôt repoussées. Cela ne créait à la Turquie ni droit de souveraineté, ni droit de suzeraineté sur le Monténégro; aucun traité n’avait jamais reconnu ses prétentions. Au congrès de Paris, en 1856, le plénipotentiaire turc avait voulu faire reconnaître les titres de la Porte-Ottomane; le prince Danielo avait protesté; le congrès n’avait rien décidé, et par cela même il avait prononcé pour le Monténégro. Si le Monténégro eût fait partie de la Turquie à titre d’état vassal, le congrès de Paris aurait réglé les conditions de cette vassalité, comme il l’avait fait pour les principautés du Danube et pour la Serbie. Ne comprenant pas le Monténégro dans le traité, le congrès déclarait implicitement qu’il ne faisait point partie de la Turquie.

La condition du Monténégro est-elle changée depuis cette déclaration du Moniteur en 1858? Le Monténégro s’est-d soumis à la Porte-Ottomane? s’est-il reconnu son vassal? Non. Quand le prince Daniel fut assassiné en 1859 et que son neveu Nicolas Ier fut proclamé comme son successeur, le sultan ne contesta pas son avènement, et ne lui signifia pas qu’il devait venir lui prêter foi et hommage : il laissa les choses comme elles étaient. La Porte-Ottomane, en 1862, est devenue plus hardie; nous savons pourquoi : derrière chaque hardiesse de la Turquie, il y a un encouragement de l’Angleterre. Elle a affecté, dans les instructions qu’elle a données à Omer-Pacha, de ne plus traiter le Monténégro que d’administration particulière. Pourquoi le Moniteur alors n’a-t-il pas parlé comme il l’avait fait en 1858? Il ne l’a pas voulu sans doute. Cette volonté peut avoir deux raisons.

Quelques personnes prétendent que le Monténégro avait prêté l’oreille aux promesses de Garibaldi. On sait en effet que Garibaldi, s’annonçant comme le libérateur des peuples opprimés, avait pensé à faire une grande insurrection chrétienne en Orient pour renverser la Turquie, et, la Turquie une fois renversée, pour détruire du