Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/1019

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme roi le prince Ferdinand de Cobourg, l’ancien roi de Portugal. Quoi qu’il advienne de cette candidature, les Grecs n’auront point à regretter la flatterie spirituelle qu’ils viennent d’adresser à l’orgueil anglais. Les Grecs, conduits avec une véritable intelligence par ceux de leurs compatriotes qui se mêlent en Europe aux grandes affaires de finance et de commerce, ont le droit d’exiger que leur révolution leur rapporte quelque chose. Les chrétiens d’Orient songent à leur avenir et demandent des garanties. Ces garanties seront-elles morales ou matérielles, personnelles ou territoriales ? En faisant appel à l’Angleterre, ils semblaient vouloir se contenter des garanties morales et personnelles. En repoussant leurs offres trop enthousiastes, leur refusera-t-on tout ? Nous voudrions ne point le croire, et nous aimons mieux espérer que, si l’Angleterre présente aux Grecs le prince Ferdinand de Cobourg, elle joindra à ce roi, déjà veuf d’une couronne et invité à en prendre une autre, les Iles-Ioniennes, données à la Grèce en cadeau de noces.

Personne en politique n’est parfait, et il n’est pas d’institutions que l’on puisse vanter comme les meilleures institutions du meilleur des mondes possibles. Genève vient d’en faire l’expérience, même après le beau réveil de libéralisme et d’honnêteté qu’elle avait eu il y a quelque temps. La nouvelle constitution a été rejetée, mais par un si petit nombre de voix que la population semble s’être également partagée. Cette constitution, au dire même des radicaux des autres cantons, était la plus libérale qui se puisse imaginer : elle a été rejetée, parce qu’elle était l’œuvre des adversaires de M. Fazy, et qu’elle aurait eu pour conséquence le renouvellement de l’administration et la suppression de la maison de jeu. Pendant deux jours, des bandes avinées ont parcouru les rues en criant à tue-tête : « Les aristocrates à genoux ! » Le suffrage universel s’est exercé avec accompagnement de rixes sans nombre, de force coups de poing, même de quelques coups de couteau. C’est déplorable. Genève n’a pas seulement le suffrage universel ; elle a toutes les libertés, libertés de la presse, d’association, d’enseignement. À quoi doit-on imputer ces tristes désordres ? Faut-il accuser la liberté, dénoncer le suffrage universel ? Contentons-nous d’avouer l’infirmité de la nature humaine et de nous humilier en confessant le travers fatal qu’ont parfois les démocraties les plus libérales de tomber amoureuses des démagogues et, ce qui est pis encore, des dictateurs.


E. FORCADE.


LE FILS DE GIBOYER.

La nouvelle comédie de M. Émile Augier a ému comme un scandale la critique presque unanime, et nous ne pouvons, nous non plus, la laisser passer sans quelque protestation. Réglons d’abord sommairement, ce qui est facile, son compte littéraire. Mêmes qualités, mêmes défauts que dans les Effrontés : d’une part un excellent style de comédie, vif et souple, quel-