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conséquent de celle de la société, acquiert non-seulement toute la clarté, mais aussi toute l’exactitude désirable.

La puissance productive de l’homme se développe, avons-nous dit, d’une manière continue dans l’enchaînement successif des âges de la civilisation.

La raison de l’homme est une de ses forces, incomparablement la première de toutes, l’origine et le gage de sa domination ici-bas, comme elle est la promesse de son immortalité dans une autre vie. C’est à elle qu’il doit tous ses genres de supériorité, et très particulièrement celle qu’il montre dans la carrière industrielle, c’est-à-dire sa puissance productive.

Débile comme il l’est dans son corps exigu, et d’ailleurs tourmenté par des besoins innombrables, l’homme serait le plus malheureux et le plus dénué des êtres, le plus impuissant des producteurs, s’il n’était parvenu à s’approprier des forces matérielles en dehors de celles que recèle son corps ; mais par la puissance de son esprit il arrache à la nature ses secrets les plus divers, il accomplit sur elle des conquêtes indéfinies, que cet esprit, par un nouvel effort, souvent séparé du premier par un long intervalle, fait tourner à la satisfaction des besoins, à la production de ces objets innombrables dont le faisceau forme la richesse des individus et celle de la société. Par l’empire qu’à la faveur de son intelligence il est parvenu à exercer sur la nature, il s’est assuré pour son travail des auxiliaires multipliés. Ce furent d’abord les animaux qu’il ploya à la domesticité, le bœuf, le cheval, l’âne, dans quelques régions le chameau, dans d’autres le renne, dans d’autres encore le lama. Ce furent ensuite les agens naturels, c’est-à-dire les forces qui sont les unes manifestes et même tumultueuses à la surface de la planète, les autres latentes, dissimulées, ou pour ainsi dire endormies, mais auxquelles la pensée humaine a pu trouver et a trouvé en effet le moyen de donner l’essor. L’homme, par les ressources de sa pensée, a le don d’imprimer aux agens naturels une activité qui ne se lasse pas. On dirait ces géans des légendes qu’une puissance supérieure tenait enfermés dans des abîmes, et qu’un bon génie allait délivrer. Nous présenterons le dénombrement de ces forces tout à l’heure ; on verra que c’est à peu près comme la revue d’une armée imposante par le nombre, plus imposante par la puissance.

Il y a lieu aussi à une observation au sujet de la force personnelle de l’homme, qui est si restreinte et si inhabile alors qu’il est désarmé et réduit à ses quatre membres en présence de la nature. Il ne lui était guère donné, quoi qu’il fît, d’accroître dans une proportion appréciable l’intensité même de cette force ; mais si l’homme ne peut guère augmenter la quantité d’effort dont sont capables ses muscles,