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la condamnation, et exhorte le coupable au repentir. L’allocution fut en ce cas non-seulement convenable, mais émouvante, et le fait était d’autant plus remarquable que les magistrats américains, nommés à l’élection pour un terme assez court, ne semblent devoir offrir que des garanties généralement insuffisantes. de plus, habitué comme l’est l’Européen à la tenue austère de nos tribunaux, il lui est difficile de se faire aux allures négligées de ces juges en paletots, qui, renversés sur leurs fauteuils, les pieds plus hauts que la tête et arc-boutés sur le bureau, fonctionnent avec le sans gêne le plus complet. On a tort de rire quand Bridoison prêche le respect de la forme : elle est plus importante qu’on ne le croit en justice.

Si quelque chose pouvait réagir contre la violence des mœurs américaines, ce serait assurément l’action religieuse, très puissante aux États-Unis, mais à laquelle sont malheureusement le moins sensibles ceux qui en ont le plus besoin. Il est assez singulier que ce pays, originairement peuplé par les puritains les plus exaltés de la réforme, ait été le premier à donner au monde l’exemple de la séparation complète de l’église et de l’état, et il n’est pas moins curieux de constater les excellens résultats de cette séparation, au premier rang desquels se place une tolérance qu’on ne saurait trop louer. Presque jamais la passion religieuse n’intervient dans les luttes qui divisent le pays ; jamais la foi, quel que soit son symbole, n’est un motif d’exclusion ; chacun semble toujours avoir présentes à l’esprit les paroles de celui qui a dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Cette tolérance n’est pas du reste ce qu’elle est trop souvent ailleurs, synonyme d’indifférence, car New-York est peut-être la ville du globe qui renferme le plus d’églises, deux cent soixante-douze, c’est-à-dire une environ pour trois mille habitans. Dans ce nombre ne sont pas comprises bien des chapelles particulières, qui devraient pourtant entrer aussi en ligne de compte, ainsi que quelques petites églises flottantes, installées sur de vieux navires pour les besoins des matelots. Vingt-trois de ces temples appartiennent au culte, catholique, et sont principalement alimentés par la population irlandaise ; seize sont des synagogues juives, et le reste est réparti entre trente-deux sectes protestantes, dont sept seulement ont une importance réelle : ce sont les épiscopaux, les presbytériens, les méthodistes, les baptistes, les luthériens, les congrégationaux, et les Hollandais réformés, dernier vestige des premiers colons du sol.

Si ces cultes variés vivent en bonne harmonie et si la tolérance est leur caractère dominant, cette vertu n’a pas été poussée jusqu’à rien sacrifier de la rigide observation du dimanche. Au contraire le lourd manteau tissu par les mains de la puritaine Angleterre pèse