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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/199

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d’un corps de pompiers organisé et payé par le trésor municipal. Ce que la cité de New-York paie avec plaisir et ce dont elle est fière, ce sont ses policemen. Infatigables dans leur vigilance, ils se font gloire en outre d’une urbanité dont ils ne trouvent certainement pas le modèle dans ce qui les entoure. Jamais une femme ne traversera seule la rue qu’ils ne l’accompagnent pour la défendre des voitures, et l’on a même vu l’un d’entre eux recevoir, pour prix de son empressement à ce service, une montre de 400 dollars, produit d’une souscription ouverte par des dames reconnaissantes, Il s’en faut toutefois que, malgré son zèle, cette police atteigne aux beaux résultats de Londres et de Paris : non que le chiffre de ses employés (de ses officiers, devrait-on dire pour se conformer à l’usage du pays) soit insuffisant, mais, fût-il dix fois ce qu’il est, rien ne saurait prévaloir contre les habitudes innées de désordre qui déparent la société américaine. Il n’est pas de nuit où quelque coin de la ville ne retentisse de scènes violentes qui prennent le plus souvent naissance dans l’un des huit mille débits de liqueurs fortes de New-York, pas de jour où plusieurs drames ayant la même origine ne viennent se dénouer devant les tribunaux. Une rixe s’engagea un soir dans un bar-room de Worth-street. Afin de rétablir plus promptement la paix, le maître de l’établissement n’imagine rien de mieux que d’éteindre le gaz et de décharger au hasard dans la mêlée les six coups de son revolver, ce que les Américains appellent donner a bunch of sprouts. Par chance singulière, un nègre fut seul atteint. Le fait suivant est un exemple plus frappant encore de cette brutalité de mœurs. Il fut suivi d’une sentence de mort dont le hasard me rendit témoin ; je ne parle pas du spectacle pénible de l’exécution, mais de la condamnation du coupable. C’était au tribunal dit de general sessions, correspondant à peu près à nos cours d’assises. Deux prisonniers furent introduits pour entendre l’arrêt fatal, et selon la loi américaine, qui met un assez long intervalle entre le jugement et la peine, cet arrêt, prononcé le 4 janvier 1862, ne devait avoir son cours que le 20 février 1863. Celui des deux prisonniers, dont je veux parler était un médecin d’un âge mûr, à la physionomie intelligente, aux antécédens des plus honorables ; seule la violence de son caractère l’amenait à ce triste dénoûment. Il s’agissait de la dispute la plus insignifiante du monde, sur une porte qu’une voisine désirait fermer, et que lui prétendait ouvrir. Le mari de la voisine prit fait et cause pour sa femme, voulut fermer la porte près de laquelle le docteur se tenait armé, et reçut pour prix de son intervention trois coups de sabre dont il mourut en quelques minutes. L’usage veut que le président fasse précéder la sentence de quelques paroles dans lesquelles il retrace les faits qui ont motivé