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Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/386

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à cause de son zèle pour l’instruction du peuple. En Savoie, les communes étaient systématiquement laissées sans écoles publiques, et en 1848, 504 communes sur 630 en étaient dépourvues. Devant cet abandon complet de l’autorité, les pères de famille se mirent à l’œuvre ; ils formèrent de petites associations de hameaux pour payer un instituteur et monter une école privée. L’association s’organisait en dehors de l’autorité communale et paroissiale, en dehors du syndic et du curé. L’école s’installait pendant la saison d’hiver dans le premier local qui se présentait, dans la chambre la plus spacieuse du village, souvent dans l’étable, où la chaleur naturelle du bétail réchauffait les petites mains des élèves. Ces modestes associations se multiplièrent dans les cantons montagneux après 1830. La question de l’enseignement populaire était alors vivement débattue en France dans les chambres et dans la presse, et les émigrans qui chaque année se répandaient dans ce pays en rapportaient les idées et les préoccupations courantes, et entretenaient les conversations du hameau du récit des grandes choses qu’ils avaient vues et entendues, de ces milliers d’écoles que la loi de 1833 faisait surgir partout. Le mouvement français en faveur de l’instruction se communiqua ainsi aux montagnes de la Savoie, et donna naissance à ces modestes écoles privées. L’autorité locale n’en fut pas inquiétée, car elles dépassaient à peine la mesure d’une réunion de famille. Ce n’était pas une instruction bien élevée qu’y recevaient les enfans, l’instituteur, peu instruit lui-même, n’était pas capable de remplir un programme bien étendu ; mais ils y apprenaient les premiers élémens de la lecture et de l’écriture. On a pu voir les fruits qu’elles avaient portés lorsqu’enfin les statistiques sont venues éclairer la situation de l’instruction populaire dans l’état sarde. La Savoie était placée avant toutes les autres provinces, et les cantons montagneux avant les cantons de la plaine. Dans les premiers, une moyenne de 80 enfans sur 100 savaient lire en 1845, et 40 seulement dans les seconds ; dans les cantons intermédiaires, l’instruction baissait avec le degré d’altitude et avec la sévérité du climat. La mauvaise saison étant plus longue dans les montagnes et ces écoles n’étant ouvertes que pendant la mauvaise saison, elles exerçaient sur le niveau de l’instruction une action proportionnelle à leur durée, plus forte par conséquent dans les montagnes qu’au fond des vallées, où un climat plus propice tient dispersés les enfans jusque fort tard en automne et de bonne heure au printemps.

Ces efforts individuels, quelque intéressans qu’ils fussent comme manifestation de l’esprit national, n’étaient pourtant ni assez étendus ni assez soutenus. La grande œuvre de l’instruction populaire réclame l’intervention de l’état même à côté des plus vigoureuses